Edito
12H08 - mardi 18 mars 2025

Pourquoi l’industrie française est-elle bipolaire ?

 

La double contrainte de l’industrie française : difficultés de recrutement et licenciements à vau-l’eau

L’industrie française se meut dans un paradoxe étouffant dont il est urgent de sortir !

En 2024, le secteur de l’industrie et des services associés en France prévoyait de pourvoir plus de 182 500 postes, selon une enquête de L’Usine Nouvelle. Cette tendance témoignait d’une dynamique positive dans l’industrie française, avec une augmentation notable des recrutements par rapport aux années précédentes, même s’il était force de constater qu’en parallèle les plans sociaux et autres PSE s’accumulaient.

Cependant, malgré ces perspectives bipolaires -encourageantes et paradoxales-, le secteur fait face à des difficultés persistantes en matière de recrutement. L’industrie ne parvient pas à pourvoir 180 000 postes essentiels pour maintenir sa compétitivité. En novembre 2024, environ 66 630 emplois industriels étaient vacants, reflétant une augmentation significative depuis 2015, comme le révélait Le Monde.

 

Les causes sont multiples

Ce paradoxe illustre un mal profond : une image parfois désuète de l’industrie, des conditions de travail perçues comme difficiles, une pénurie de main-d’œuvre qualifiée et une inadéquation criante entre formation, reconversion et réalité du marché.

L’enseignement technique souffre d’un manque de considération. Résultat : les jeunes délaissent les métiers de la maintenance, de la production et de la robotique, souvent perçus comme des voies de secours pour les élèves en difficulté, et non comme des filières d’excellence.

L’Éducation nationale peine à adapter ses programmes aux besoins concrets des entreprises et les évolutions technologiques rapides, notamment dans la robotique et l’automatisation, exigent des compétences spécifiques que les formations classiques ne couvrent pas toujours. « Cela fait 3 ans, que nous demandons au CFA de mettre en place une formation de technicien de maintenance, car nous sommes en pénurie sur ce type de profil. Elle n’existe toujours pas et n’est pas prévue pour la rentrée prochaine. Alors que nous serions en mesure de recruter la moitié de la promo chaque année », déplore Sandrine, RRH dans cette filiale d’un grand groupe automobile dans l’Est de la France.

Face à cette crise, certaines entreprises prennent les devants. Renault, Airbus, Safran… investissent dans des centres de formation internes pour adapter les compétences de leurs salariés aux besoins du marché. D’autres misent sur la formation continue pour permettre aux travailleurs de s’adapter aux nouvelles technologies et aux mutations de l’industrie 4.0.

L’apprentissage et l’alternance jouent également un rôle clé. Ces dispositifs permettent aux jeunes d’acquérir des compétences pratiques tout en étant en contact direct avec les réalités du terrain. Lors d’une interview accordée à BFM Business le 26 mars 2018, Philippe Darmayan, alors vice-président de France Industrie, soulignait « la nécessité de valoriser l’apprentissage industriel en le positionnant comme une filière d’excellence ». Cependant, la réduction des aides publiques met en péril ces dispositifs pourtant efficaces. Les entreprises peinent à assumer seules le coût de la formation, ce qui freine leur engagement dans ces programmes.

Un autre enjeu majeur est la féminisation des métiers techniques. Aujourd’hui, les femmes ne représentent que 30 % des effectifs industriels. Pourtant, leur intégration permettrait de diversifier les compétences et d’apporter une nouvelle dynamique au secteur. Des initiatives comme « la semaine de l’industrie » ou les sororités à l’instar d’« Elles bougent», visent à attirer davantage de jeunes filles vers les filières industrielles.

La reconversion des demandeurs d’emploi représente également une solution incontournable pour répondre aux besoins de l’industrie. Des programmes de formation spécifiques, axés sur les compétences techniques et numériques, peuvent permettre aux chômeurs de se repositionner sur le marché du travail. En collaboration avec France Travail et les centres de formation, les entreprises peuvent proposer des parcours adaptés à ces compétences en tension et favoriser l’intégration durable des demandeurs d’emploi et pas uniquement ceux dits « éloignés du marché de l’emploi ». Certains parcours sont même sanctionnés d’un titre RNCP. Malheureusement, ces initiatives sont trop peu nombreuses, souvent jugées trop lourdes à mettre en place et rencontrant peu d’intérêt auprès des potentiels concernés. 3,2 millions de demandeurs d’emploi en France, 180 00 postes à pouvoir dans l’industrie. Un certain nombre de profils doivent être compatibles, non ?

Seule une action concertée et ambitieuse permettra à l’industrie française de regagner en compétitivité, de répondre aux besoins du marché et d’assurer sa pérennité face aux défis technologiques et environnementaux du XXIe siècle.

Qui s’alarme que certaines industries françaises soient obligées de réduire leur volume de production ou de refuser certains projets et donc de ne pas répondre à la demande commerciale parce qu’elles n’arrivent pas à recruter les compétences nécessaires à leur activité ? Remarquons que nous avons abandonné le terme galvaudé de talent, utilisé dans le titre de cet article !

 

Michel Taube

Le cyclone Valls. L’édito de Michel Taube

Un ministre ne devrait vraiment pas faire cela ! Lundi 17 mars à 18h, Manuel Valls se rend dans la maison d’Aimé Césaire, le grand homme qu’il a eu l’honneur de rencontrer étant…
Michel Taube