Après plus de 9 mois à bord de la Station Spatiale Internationale, les astronautes américains Barry Wilmore et Sunita Williams sont revenus sur Terre ce mardi 18 mars.
À 22h57 heure de Paris, mardi 18 mars, la capsule Crew Dragon de SpaceX a amerri sans encombre au large de la Floride, après un trajet de 17 heures. A son bord, Barry (dit Butch) Wilmore et Sunita (Suni) Wiliams, en compagnie de l’astronaute Nick Hague et du cosmonaute russe Alexandre Gorbounov, dont la mission à bord de la Station Spatiale Internationale (ISS) s’est achevée.
« Fake news »
Une mission et deux noms en particulier qui auront fait couler beaucoup d’encre et jaillir une flopée de « fake news ». Certes, pour Butch et Suni, tout ne s’est pas vraiment déroulé comme prévu.
Au lieu des huit jours initialement programmés en orbite, ils ont finalement séjourné près de neuf mois à bord de la Station Spatiale Internationale (ISS).
Partis le 5 juin 2024, dans le cadre d’un vol d’essai de la nouvelle capsule spatiale Starliner de Boeing, les astronautes se sont amarrés à l’ISS le lendemain et ne devaient rester en orbite que jusqu’au 13 juin. Mais en raison de plusieurs défaillances détectées sur le Starliner, la NASA en a décidé autrement, préférant renvoyer le vaisseau sur Terre, à vide. Et en conséquence, intégrer Butch et Suni à l’équipage de l’ISS. Leur mission de pilotes d’essai se transformant alors en mission à bord de l’ISS, aux côtés de cinq autres astronautes. Une solution qui assurait leur sécurité et ne bousculait pas le calendrier des missions spatiales, ainsi que le planning logistique complexe de la station.
« Se préparer à toutes les éventualités et imprévus est la raison même de nos entraînements », déclarait alors Butch Wilmore. D’autre part, étant impliqués dans l’essai d’un vaisseau nouveau, ils étaient tout à fait prêts à faire face à un changement de programme et avaient été entraînés en conséquence. Le prolongement de la mission au-delà des huit jours n’était donc pas si surprenant. En revanche, la décision de ne pas revenir sur Terre à bord du Starliner impliquait qu’ils attendent la prochaine relève d’équipage de l’ISS pour revenir sur Terre, donc février ou mars 2025. Ce qu’ils ont accepté.
Souvent présentés comme des « naufragés de l’espace, coincés dans l’ISS », Suni et Butch ne l’étaient pas. Depuis fin septembre, ils avaient à leur disposition la capsule de la mission Crew-9, pour quitter l’ISS. « Une rentrée d’urgence a toujours été possible, y compris avec leur vaisseau Starliner formellement approuvé pour un « emergency return » pendant toute sa durée d’accostage », confirme l’astronaute Jean-François Clervoy (aux trois missions spatiales à son actif). « D’ailleurs, une situation un peu similaire s’était déjà produite en 2022, avec un vaisseau Soyouz. L’équipage était alors resté dans la station un an au lieu de six mois », poursuit-il.
« Ils étaient un peu chez eux ! »
Astronautes expérimentés, Suni (59 ans) et Butch (62 ans) ont donc été volontaires pour se joindre à la mission dans l’ISS. « Tous les deux avaient, en outre, déjà l’expérience de vol de longue durée dans la station. Ils étaient donc un peu chez eux ! », glisse Jean-François Clervoy. Butch est resté 167 jours dans l’ISS en 2014-2015 et Suni, 194 jours en 2006-2007 et 126 jours en 2012.
Les deux astronautes ont ainsi intégré l’expédition 72 de l’ISS et se sont vus confier les mêmes tâches et responsabilités que leurs camarades venus pour des missions longues, explique la Nasa.
Comme les autres membres d’équipage, ils ont alors participé à la vie en apesanteur et aux multiples expériences menées à bord. La station est un véritable laboratoire scientifique. Mais un laboratoire bien particulier et unique, du fait des conditions de microgravité qui y règnent. Malgré les 16 levers et couchers de soleil par 24 heures, les horaires des journées se déroulent selon des normes terrestres calées sur l’heure UTC (le temps universel), notamment le planning de travail. « Dans l’ISS, l’une de nos principales missions consiste à préparer le futur de l’exploration spatiale.
Certaines expériences ont pour but de trouver des solutions afin de contrer les effets négatifs de l’environnement spatial sur l’être humain, particulièrement lors de longs séjours. Les autres activités scientifiques visent à faire avancer la recherche pour des applications terrestres », explique Thomas Pesquet qui, comme les autres astronautes, a consacré près de 50% de son temps à bord de l’ISS à la réalisation d’expériences.
Des expériences sur le vieillissement dans l’espace, sur la culture de laitue en apesanteur, ou bien encore des tests de robotique ont ainsi ponctué leur quotidien parfaitement réglé. Chaque jour, deux heures étaient aussi consacrées au sport, indispensable pour compenser les effets physiologiques négatifs de la micropesanteur et notamment la perte de masse musculaire et osseuse.
Suni Williams a également revêtu la casquette de commandante de l’ISS, pour la deuxième fois de sa carrière. Et en janvier, en réalisant la huitième puis la neuvième sortie extra-véhiculaire de sa carrière, elle est aussi devenue la femme ayant passé le plus de temps à l’extérieur de la station (62 heures et 6 minutes).
Si pour leur famille le temps a pu paraître un peu long, pour Suni et Butch, le planning était donc bien rempli et passionnant.
L’arrivée de Crew-10
Dimanche 16 mars, après un voyage de 28 heures, une nouvelle équipe d’astronautes, la mission Crew-10, est arrivée dans l’ISS, annonçant la rotation d’équipage. La relève se compose de deux astronautes de la NASA, Anne McClain et Nichole Ayers, d’un japonais, Takuya Onishi et d’un Russe Kirill Peskov.
De leurs côtés, Butch et Suni vont maintenant être soumis à une série d’examens médicaux, afin de vérifier les effets de cette mission spatiale prolongée sur leur organisme et suivre un programme de réadaptation à la gravité.
Si les missions dans l’ISS durent en principe six mois, le record américain de temps passé dans l’espace est détenu par l’astronaute Frank Rubio (371 jours dans l’ISS), en 2023. Et le record mondial remonte à 1995. Le cosmonaute russe Valeri Polyakov a passé 437 jours consécutifs à bord de la station spatiale Mir.
Perçue par certains comme un fiasco, par d’autres comme une instrumentation politique, cette mission aura au moins eu le mérite d’attirer l’attention sur le travail des astronautes, leur résilience et ce à quoi ils peuvent être confrontés. Elle prouve aussi avec bonheur, tout comme les missions précédentes, que des personnes issues de cultures différentes, parfois soumises à des épreuves, peuvent vivre ensemble et longtemps, en milieu confiné et dans une parfaite harmonie.
Après le retour de Crew-9, la relève de l’ISS va se poursuivre côté russe cette fois-ci, avec le décollage depuis Baïkonour, le 8 avril (au plus tôt), du Soyouz MS-27.