Pour bien comprendre l’importance des startups spatiales, il est essentiel de se replonger dans l’histoire. Le 26 novembre 1965, la France est devenue la troisième puissance spatiale mondiale avec le lancement du satellite Astérix par une fusée Diamant depuis le Centre spatial guyanais à Kourou. Ce succès était le fruit d’une série de prototypes baptisés « Les Pierres Précieuses », développés grâce à l’engagement financier et humain des dirigeants de l’époque.
Aujourd’hui, le paysage spatial a radicalement changé, passant du « Old Space » au « New Space ». Comment ce bouleversement s’est-il produit ? Au début du 21ème siècle, l’espace a pris une importance croissante, tant sur le plan commercial que stratégique. Le mouvement du New Space, initié aux États-Unis par des entreprises privées comme celles de Jeff Bezos et Elon Musk, a transformé l’industrie. Les technologies évoluent rapidement, avec une miniaturisation qui permet à de petites structures de développer des nanosatellites aux capacités impressionnantes.
Parallèlement, l’espace se militarise progressivement, et la plupart des technologies spatiales sont duales, servant à la fois des objectifs civils et militaires. Que ce soit pour l’expansion mondiale d’Internet, les télécommunications, l’observation ou la propulsion, ces technologies promettent des économies substantielles à long terme.
Les grands groupes se sont adaptés à ce nouveau contexte, et de jeunes entrepreneurs français se sont lancés dans la création de startups spatiales. Les domaines d’action sont nombreux. Par exemple, Exotrail, fondée en 2017, a débuté avec des propulseurs innovants pour minisatellites, moins polluants que les propulseurs classiques. Aujourd’hui, elle développe un « bus de l’espace » pour transporter simultanément plusieurs microsatellites jusqu’à leur orbite respective.
En 2023, le CNES a sélectionné quatre startups innovantes spécialisées dans les petits lanceurs : Hyprspace, Sirius Space, et Maispace, filiale d’Arianegroup. D’autres startups, comme Alpha Impulsion, Opus Aerospace, et Hybrogines, conçoivent des petits lanceurs, tandis que Hstar space se concentre sur les gros lanceurs. Exploration Company, quant à elle, fabrique des satellites de toutes tailles et des cargos spatiaux.
Astrolab, une autre startup, souhaite lancer des mini-laboratoires automatisés pour des expériences biologiques et la fabrication de structures cellulaires sophistiquées, promettant des processus plus rapides et économes. Dark, spécialisée dans la défense spatiale, développe un robot spatial appelé Interceptor, conçu pour capturer et désorbiter les satellites agressifs. Zéphalto, elle, se positionne sur le tourisme spatial non polluant, emmenant des passagers à 25 km d’altitude dans une capsule pressurisée sous un ballon stratosphérique.
Au total, près de soixante startups spatiales ont émergé ces dernières années, allant de très petites structures à des PME. Elles accélèrent la mise en place de constellations, le développement de lanceurs réutilisables, et l’élimination des débris spatiaux. Plus de 650 millions d’euros ont déjà été investis dans ces startups, représentant un formidable levier économique.
La France et l’Europe doivent soutenir financièrement ces initiatives, surtout dans le contexte actuel où l’Europe doit renforcer sa défense. La possession de systèmes spatiaux nombreux et innovants serait un atout majeur en cas de conflit. La militarisation de l’espace est un sujet dont nous parlerons prochainement.
Général Marc Alban
Général de Division Aérienne (2s), ancien pilote de chasse, plus de 5 000 heures de vol sur une dizaine de types d’avions, 2 fois en opération en Afrique, officier de la Légion d’Honneur, médaille de l’aéronautique, médaille d’or de la Sécurité des Vols, ancien Directeur du Musée de l’Air et de l’Espace.