Les séismes géopolitiques ont au moins un grand avantage, ils permettent de réveiller les citoyens, de leur faire ouvrir les yeux, d’accélérer leur prise de conscience de la réalité et de leur faire prendre les décisions qu’ils remettaient au lendemain depuis des lustres.
C’est exactement ce qui se passe depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les Européens et les Français vivaient dans l’illusion d’avoir un Oncle Sam de l’autre côté de l’Atlantique qui serait toujours là en cas de besoin, un grand-Oncle d’Amérique dont la puissance économique, financière, militaire serait toujours disponible pour pallier nos manques.
Depuis deux mois, Donald Trump transforme chaque jour un peu plus l’Oncle Sam en Oncle Picsou, ce qui a le mérite de secouer les Européens. Nous nous prenions pour Riri, Fifi, Loulou, les neveux appréciés de Donald et nous nous rendons compte que Trump nous prend pour des canards sauvages.
Le réveil est forcément douloureux mais il permet de voir la réalité telle qu’elle est, de ne plus vivre dans l’illusion, telle que nous aimerions qu’elle soit. Pour nous Français, cette nouvelle crise peut être une formidable opportunité, non pas en cherchant désespérément à la rescousse le manuel des Castors juniors pour trouver les solutions simples à nos problèmes complexes, mais en prenant conscience de nos véritables forces et faiblesses. Des faiblesses, nous en avons, mais des forces nous en regorgeons !
Nous croulons sous des déficits abyssaux, sous une dette qui atteint des niveaux stratosphériques, avec un chômage qui remonte, des faillites qui se multiplient, un immobilisme gouvernemental destructeur. Notre pacte social se fissure tous les jours un peu plus, nous ne vivons plus ensemble mais face à face. Les extrêmes de droite comme de gauche profitent de ce moment pour tenter de nous hypnotiser et ébranler encore plus notre édifice républicain, pour mieux nous plonger dans la dictature et la tyrannie, pour nous asservir et nous soumettre.
Mais Trump nous secoue, et nous nous réveillons. Et que voyons-nous quand nous ouvrons les yeux ?
Nous voulons réarmer l’Europe sans dépendre de l’humeur de la Maison Blanche. Ô miracle, nous avons le Rafale, probablement le meilleur avion du monde. Nous disposons d’un savoir-faire exceptionnel dans toute la filière aéronautique. Les Français ont même inventé le mot « avion », et Clément Ader le premier aéroplane nommé avion.
Nous voulons une énergie décarbonée avec le moins de dépendance possible aux pays tiers. La France a la filière nucléaire la plus en pointe au monde. Nous voulons faire partie des leaders dans la révolution IA, nous disposons des meilleurs mathématiciens et ingénieurs du monde, que la Silicon Valley s’arrache à prix d’or. Nous voulons relocaliser nos industries clés et améliorer notre souveraineté. Nous avons des terres agricoles très riches, des agriculteurs performants, des chercheurs dans la plupart des domaines industriels. Nous avons parmi les meilleures équipes pour créer les médicaments, les modèles mathématiques de l’IA, les moteurs, les robots d’après-demain.
Mieux, nous avons une épargne importante, et si nous redonnons confiance et visibilité à nos épargnants, nous pourrons mobiliser l’épargne pour faire en sorte qu’après-demain soit demain. L’Histoire nous montre que quand nous mettons le paquet, nous rendons possible ce qui nous paraissait insurmontable, et impossible n’est pas français.
Quand le monde a été face à la pandémie du Sida, le monde a mis le paquet et ce mal incurable est devenu une maladie chronique avec laquelle on peut vivre. Quand le monde a été confronté à la Covid-19, le monde a mis le paquet, investi un capital massif, et en quelques semaines nous avons développé un vaccin que la plupart des experts pensaient impossible à mettre au point en moins de deux ou trois ans.
Pour réussir ce challenge, il nous faut donc mettre le paquet et investir un capital massif. Atout majeur, la France dispose d’une réserve d’épargne disponible importante à la fois en capital financier et en capital humain. Encore faut-il le vouloir vraiment ? Pourquoi n’a-t-on d’ailleurs pas encore employé la même stratégie d’investissement massif contre les cancers qui touchent ou toucheront tous les humains ?
Sur le capital humain, force est de constater que notre taux d’emploi peut être très largement amélioré pour simplement retrouver le niveau de nos principaux partenaires.
Le taux d’emploi, c’est la proportion des personnes disposant d’un emploi parmi celles en âge de travailler, entre 15 et 64 ans. Nous l’avons écrit très souvent, il nous faut améliorer l’employabilité des jeunes comme des seniors, favoriser l’entrée dans la vie active des jeunes, conserver les seniors le plus longtemps possible en emploi, mieux valoriser les carrières des femmes, tout en prenant mieux en compte la pénibilité des métiers. Cette réserve en capital humain est colossale.
En retrouvant un taux d’emploi identique à celui de l’Allemagne par exemple, et il n’y a aucune raison de ne pas y arriver, nous créerons les conditions d’une production économique plus élevée, d’une croissance économique bien plus forte, passer d’une espérance de croissance molle, autour de 1%, à une croissance digne d’un grand pays industriel, entre 3 et 4%.
Améliorer l’employabilité n’est pas suffisant, il faut aussi rompre avec cette illusion du « travailler moins pour gagner plus », en finir avec ce débat dépassé sur l’âge de la retraite, chacun sait que nous devons travailler plus longtemps. Plutôt que de parler âge, il nous faudra travailler 44 ans, cotiser 44 annuités. Et bien sûr en finir avec le dogme destructeur de valeur et d’emplois des 35 heures, poursuivre la trajectoire de baisse du coût du travail. Le financement de notre modèle social ne peut peser uniquement sur le travail mais doit être supporté par tous. Là encore, nous l’avons écrit depuis des mois, exonérons de CSG et CRDS les petits salaires et petites retraites et augmentons la TVA, une évidence que de plus en plus de gens partagent à présent.
Sur le capital financier, bien sûr la libération du capital humain développée plus haut boostera les recettes budgétaires de l’État comme le pouvoir d’achat des Français, mais dans un second temps. Il nous faut d’abord investir notre épargne bien plus massivement dans nos entreprises. Je ne parle pas de 450M€ que Bercy veut mettre dans un fonds Défense. Il nous faut changer d’échelle, ajouter un zéro à cet objectif minimaliste, low profile, à la dimension d’une région, mais pas à la hauteur d’un grand pays.
Les Français veulent bien prendre du risque mais il faut que l’État joue vraiment le jeu, propose un horizon clair, une stabilité fiscale et législative. Il faut aussi que l’État partage le risque au travers d’une fiscalité incitative, adaptée. Il faut mettre un terme au sacro-saint principe de précaution et favoriser la prise de risque. Il nous faut aussi desserrer les contraintes que nous imposons aux banques et assureurs au travers de Solvabilité II et Bâle III. J’évoquais dans mon précédent éditorial un produit d’épargne garanti par l’État.
Ce serait une véritable amorce à ce changement de paradigme, mais il faut en parallèle sortir de l’immobilisme, restaurer la confiance des Français sur le moyen et long terme, déclarer hors-jeu la procrastination. N’est-ce pas le rôle premier de l’État ? Si nos concitoyens n’ont plus peur sur leur fin de mois, ils investiront pour l’avenir de leurs enfants. Il faut passer des mots aux actes.
Restaurons la confiance de nos citoyens, rassurons-les, proposons-leur un horizon clair, permettons l’investissement, libérons les énergies, développons notre capital humain, déployons notre capital financier, osons…
Voilà le véritable chantier du Gouvernement ! La France est un pays riche qui a peur, se recroqueville et s’appauvrit depuis des années. Mais l’heure n’est plus à l’immobilisme. Trump nous a réveillés et nous a fait prendre conscience que nous avons des atouts majeurs. Le temps est venu pour nous de remonter les manches. Nous sommes un pays encore riche, qui peut être plus riche encore si nous le voulons.
Yes we can, et nous le pouvons parce que nous le voulons !