Madame Nathalie Delattre, merci d’avoir accepté d’accorder un entretien à Opinion Internationale. Vous êtes ministre déléguée chargée du tourisme et présidente du Parti radical qui compose le bloc central autour du gouvernement de François Bayrou. À la tête du ministère du Tourisme, votre vision de la politique change-t-elle ?
Non, je poursuis à la tête de ce beau ministère ce que j’appliquais en tant que sénatrice ou conseillère municipale adjointe de la ville de Bordeaux auprès d’Alain Juppé : être une femme de terrain, en proximité, attachée aux territoires, aux élus, aux citoyens. Ici en Martinique, j’écoute, j’échange pour avancer de façon coopérative.
Le tourisme dispose d’un ministère de plein exercice. Ce choix prouve le volontarisme et l’ambition que nous voulons lui insuffler avec le premier ministre et le gouvernement. Le tourisme est un secteur en croissance qui représente 8% de notre richesse nationale, 2 millions d’emplois directs et indirects.
Avec 100 millions de visiteurs étrangers accueillis en 2024, nous sommes la première destination touristique mondiale. C’est un désir de France qu’il nous faut encourager. J’ai présenté le 3 avril à François Bayrou ma stratégie 2030 pour le tourisme pour impulser une nouvelle dynamique à « la marque France ».
Quel est votre message principal aux acteurs du tourisme des Antilles ?
J’ai pris le temps d’échanger avec tous les acteurs du tourisme. J’ai visité des lieux emblématiques, les richesses touristiques que recèle la Martinique. J’ai rencontré des femmes et des hommes passionnés, désireux de rehausser la qualité de l’offre touristique, une offre intégrée, diversifiée, responsable. Mon sentiment est que nous avons tous, Collectivité Territoriale de Martinique, acteurs privés du tourisme, État, la même vision de l’avenir du tourisme aux Antilles.
En termes de moyens, je veillerai à ce que la demande formulée par plusieurs professionnels, de pouvoir actionner des prêts à long terme pour financer la rénovation de leurs établissements hôteliers, en vue justement de monter en gamme la qualité de l’offre touristique, puisse à nouveau être accessible. La Caisse des dépôts et consignations, que le ministre de l’Économie Éric Lombard connaît bien, comme vous le savez, et d’autres acteurs financiers, y travaillent. J’ai bon espoir que ce dossier avance rapidement.
Vous êtes Bordelaise, très attachée à la culture du vin. En Martinique, le spiritourisme se développe autour du rhum. Le tourisme viticole passe-t-il par la Martinique ?
En effet, le rhum et le tourisme d’excellence qui se développe autour de ce savoir-faire sont parmi les atouts de la Martinique. La France a accueilli 12 millions d’œnotouristes en 2023 et la Martinique 1 million de spiritouristes. J’ai demandé à Hervé Novelli, président du Conseil supérieur de l’œnotourisme, de mettre à profit son expertise pour développer le spiritoutisme en France et proposer un plan d’action ambitieux. Il faut renforcer les synergies entre œnotourisme, brassitourisme et spiritourisme.

La ministre du tourisme a rendu visite le 28 mars à l’Habitation Fonds Rousseau à Schoelcher en Martinique, propriété de Monsieur Pierre Sainte-Luce.
N’y a-t-il pas deux visions de l’avenir des Outre-mer qui s’affrontent ? La ligne de votre collègue du gouvernement, Manuel Valls, ministre d’État, ministre des Outre-mer, très portée sur la vie chère et une vision dirigiste de l’avenir. Et la ligne sénatoriale voulue par Gérard Larcher et à laquelle travaille notamment Micheline Jacques, présidente de la Délégation aux Outre-mer du Sénat, qui est davantage attachée à une adaptation du droit aux Outre-mer. Vous êtes plutôt Valls ou Larcher sur les Outre-mer ?
Chaque ministre a son approche, son style, sa méthode. Pour ma part, ma méthode a toujours été celle de la concertation, de la recherche de solutions adaptées à chaque territoire, et qui fassent consensus pour être mieux appliquées. Je suis une sénatrice de cœur et de méthode.
Vous êtes la présidente du Parti radical, dont la laïcité est une des valeurs fondatrices. La question du voile dans le sport secoue la société française ? Faut-il étendre à l’ensemble de la société le concept de la laïcité, c’est-à-dire appliquer la neutralité et la discrétion dans tout l’espace public ?
La loi de 1905 est une loi moderne. J’ai présidé la commission d’enquête sur la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre. Je suis convaincue que l’arsenal législatif en vigueur, je pense à la loi de 1905, à la loi de 2021 confortant le respect des principes de la République, forme un socle suffisant pour faire respecter les valeurs de la laïcité. Des évolutions récentes comme sur le port de l’abaya dans les établissements scolaires le prouvent.
Quel sera votre avenir à Bordeaux : serez-vous tête de liste aux municipales en mars 2026 ?
Oui, je suis candidate à la mairie de Bordeaux.
La question « j’entre dans l’histoire » : à quelle grande loi ou décision aimeriez-vous attacher votre nom ?
En tant que radicale je suis attachée avant tout aux valeurs et à leur transmission plus qu’à apposer son nom à un quelconque leg. Soyons modestes. Même si je suis fière d’avoir œuvré à la concrétisation de certains engagements et du vote de lois décisives, dont celle sur la protection des élus locaux victimes d’agression.
Propos recueillis par Michel Taube