La chronique de Patrick Pilcer
13H45 - mardi 15 avril 2025

Ne nous trompons pas, les Etats-Unis sont notre allié et notre partenaire, la Chine est notre concurrent voire notre adversaire. La chronique de Patrick Pilcer

 

Il y a comme une petite musique malsaine en ce moment dans les médias français qui pourrait laisser croire que les Etats-Unis sont devenus notre ennemi. Bien sûr la méthode Trump est brutale, détonante et étonnante. Avec Biden, nous étions rassurés, nous ne comprenions rien de ce qu’il disait mais sa façon de se tenir était courtoise et élégante. Avec Trump, la courtoisie et l’élégance ne sont plus de mise mais, si nous faisons l’effort suffisant, nous pouvons comprendre l’objectif comme la méthode.

Sur la méthode, c’est assez limpide en fait. Son but est d’atteindre 100, il demande 1000. Si ses partenaires en négociations hurlent, il réduit à 200. S’ils sont contents, il aura doublé son objectif. S’ils continuent de vociférer, il se contentera de 100. Ses partenaires auront le sentiment de l’avoir fait reculer, plier, faire un virage à 180°, et seront ravis de la leçon qu’ils pensent lui avoir infligée, mais dans les faits il aura ses 100 que ses partenaires seront contents de payer.

Sur l’objectif, là encore, c’est assez clair. Réindustrialiser son pays, relocaliser et diminuer les impôts par les droits de douane et par les rentrées fiscales obtenues par la réindustrialisation et les emplois créés. On ne peut comprendre la situation des Etats-Unis en visitant simplement New York et la Silicon Valley. Il y a des gens qui habitent entre les deux côtes, à la verticale des vols aériens pris par les « sachants » qui confondent les Etats-Unis et San Francisco ou New York. Et ces gens ont perdu souvent leur emploi, ils galèrent. Ils travaillaient pour un constructeur automobile par exemple qui a délocalisé sa production au Mexique ou en Asie. Et ce constructeur leur revend sa production ensuite alors qu’ils ont perdu leur salaire, à des prix qu’ils ne peuvent plus assumer. Un véritable marché de dupes. Beaucoup d’américains des classes moyennes ont vu leur pouvoir d’achat sérieusement baisser depuis 4 ans, ils se sont paupérisés. Il est sain que leur gouvernement réfléchisse aux causes profondes de cette situation et propose des solutions.

Cette baisse du pouvoir d’achat se lit très facilement dans le graphe suivant, où à partir des données de l’OCDE, je trace l’évolution du pouvoir d’achat des revenus disponibles bruts ajustés par habitant, entre 2007 et 2022. Cet indicateur avait fortement monté sous Trump I, et fortement baissé sous Biden. En France, cet indicateur stagne, quand en Allemagne, il suivait la hausse américaine puis a stagné.

Nous, Européens, souffrons des mêmes maux. Notre classe moyenne perd chaque année beaucoup de son pouvoir d’achat. Nous sommes moins riches pour des causes très semblables à celles des Etats-Unis. Mais que faisons-nous ? des discours !

Pire, en France, si on scrute l’évolution du pouvoir d’achat sur 65 ans, il a fortement progressé dans les années 60, puis ne progresse que très faiblement depuis les années 80. Nous tous, en France, percevons cette érosion de notre pouvoir d’achat, malgré les politiques d’accompagnement social. Nous sentons que nous avons finalement peu profité de la croissance mondiale, des politiques de mondialisation, alors que nous aurions dû être les principaux bénéficiaires du Progrès. N’est-ce pas là d’ailleurs la cause principale de la montée des populistes ?

Tous les économistes mettent en exergue le déficit commercial énorme des Etats-Unis depuis des années, comme la paupérisation de la classe moyenne. Mais nous nous sommes habitués depuis 30 ans à ce que les politiques traitent ces questions par des mots et ne s’attaquent pas au cœur du problème, à sa racine. Ce qui est vrai aux Etats-Unis est encore plus vrai en Europe. Désespérant en France où nous avons les champions du monde des discours et les derniers de la classe en acte. Quand un homme politique, Trump en l’occurrence, se remonte les manches et s’attaque au problème, on le prend pour un fou…en tout cas ceux qui ont plongé nos finances publiques dans des déficits jamais atteints jusque-là, qui ont dépensé « quoi qu’il en coûte », qui restent au pouvoir, « quoi qu’il nous en coûte » et osent donner des leçons…

Nous sommes tous des défenseurs du libre-échange mais le libre-échange nécessite un cadre clair, des règles acceptées par tous, des règles sociales comme environnementales, et des punitions fortes en cas d’abus.

Or, nous savons tous que la Chine profite abusivement du système, pratique un dumping dans tous les domaines, droits de l’homme, travail des enfants, des prisonniers, respect des normes environnementales, subventions déguisées, etc… Nous savons que les pratiques de dumping des Chinois ont tué des pans entiers de notre industrie. Nous savons qu’ils nous ont exporté, involontairement, des virus puis les masques pour s’en préserver, et les principes actifs des médicaments pour nous soigner. Et que faisons-nous ? si peu…

Pire, nous sommes tentés par la main tendue des Chinois pour répondre aux mesures de Donald Trump. Mais la motivation de Pékin est claire comme de l’eau de roche : nous inonder des produits qu’ils ne peuvent plus vendre aux Etats-Unis, ce qui tuera encore plus nos industries.

Au niveau européen, la bonne réponse est certainement très proche de la proposition de Ursula Von der Leyen : zéro droit de douane entre les Etats-Unis et la France. Il faudra néanmoins un jour aussi traiter le dumping fiscal interne pratiqué par l’Irlande. Mais l’idée est bonne, aucun droit de douane, complet libre échange entre des partenaires qui respectent les mêmes règles. Et des droits de douane massifs pour les autres, ce qui ne pourra que les inciter à respecter les mêmes règles ensuite.

Que Donald Trump soit inélégant, discourtois, voire vulgaire ou grossier, importe bien peu. Ce n’est pas le sujet. Nous ne cherchons pas un époux ou un convive pour un bon diner mondain, mais un partenaire économique et militaire.

 

Nous, Européens, partageons les mêmes valeurs que nos amis américains, la même philosophie, la même vision de l’Homme et de la Société. Nous sommes partenaires dans le renseignement, dans la sécurité, dans les conflits armés. Nous lisons les mêmes auteurs, regardons les mêmes films et séries. Nous avons la même approche de la vie, de la naissance à la mort, dans la même dignité. Nous avons les mêmes querelles sur l’avortement ou la fin de vie, le même respect de la liberté de chacun à disposer de son corps comme il le souhaite, la même liberté de croire ou de ne pas croire, de pouvoir changer de religion ou de ne plus en avoir. Certes, de temps en temps, les extrêmes d’un côté ou de l’autre de l’Atlantique décident n’importe quoi sur l’avortement ou la peine de mort. En Pologne, en Irlande, à Malte ou comme dans trop d’états en Amérique. Mais globalement nous partageons un même socle de valeurs, une même communauté de destin.

Les disputes entre Américains et Européens sont souvent les mêmes que celles autour d’une table dans une famille, entre deux frères, ou entre parents et enfants. Des disputes entre amis. Certaines ressemblent à celles que pourraient avoir des tenants du « mariage pour tous » et des partisans du wokisme, mais au final, nous sommes tous conscients de faire partie de la même nation. S’il en était besoin, nous combattrions côte à côte pour la sauvegarde de nos libertés. Il en est de même entre Américains et Européens.

 

Est-ce le cas avec nos amis Chinois ? avons-nous le même corpus de valeurs ? le même respect de l’Homme, de la Nature, de l’Environnement ? de la liberté d’expression, de la liberté de pensée, de la liberté de circuler, de la Vie ? Partageons-nous la même analyse sur Taiwan, le Tibet, les Ouighours ?

Alors oui il faut être ferme avec Donald Trump pour aller ensemble vers un meilleur libre-échange, avec des règles claires, et si possible aucun droit de douane. Mais il nous faut dans le même temps réindustrialiser notre pays, recréer des emplois en France et en Europe, rehausser fortement notre pouvoir d’achat.

 

Et si la solution pour la France passait aussi par une baisse du coût du travail (par une exonération de CSG et CRDS des petits salaires et retraites) et une hausse de la TVA ? une façon habile de favoriser la France qui travaille ou a travaillé, d’inciter à plus produire en France tout en taxant plus ce qui n’est pas produit ici, et les gens qui ne travaillent pas ou pas encore…

 

Patrick Pilcer
Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers

Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers
Patrick Pilcer, Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers