« Nous n’avons plus de temps pour parler de potentiel, il est urgent d’agir. Relever le défi de l’agriculture repose sur trois piliers : les infrastructures, la gouvernance – l’environnement des affaires – et enfin, la question de la culture entrepreneuriale des locaux d’abord, puis l’attractivité pour les étrangers. » Voici les dires de Nicolas Kazadi, ministre des Finances de la République Démocratique du Congo.
Le secteur agricole sur le continent africain
Plusieurs hommes politiques africains de renom comme Jomo Kenyatta ou Félix Houphouët Boigny étaient issus de familles d’exploitants agricoles et ont conservé un fort attachement à la terre et au monde rural.
Le secteur agricole africain est considérable et les chiffres le prouvent : entre 65 % et 70 % des emplois et près de 25 % du PIB des pays africains proviennent du secteur agricole. En RDC, le secteur emploie environ 70% de la population et représente 20% du PIB.
En 2003, les Etats africains s’étaient engagés, lors de la déclaration de Maputo et le lancement du Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA), à investir 10 % de leurs ressources budgétaires dans leur agriculture. Sur les 53 pays signataires du protocole, très peu ont tenu leurs promesses : le Burkina Faso, le Burundi, le Congo-Brazzaville, l’Ethiopie, le Ghana, la Guinée, le Malawi depuis 2004, le Mali, le Niger, le Rwanda avec Vision 2020, le Sénégal, le Togo, la Zambie et le Zimbabwe, la République Démocratique du Congo. Cette faible volonté politique nuit à la performance économique du continent.
Des initiatives supranationales, nationales et locales ont été mises en place en vue de promouvoir l’emploi dans le secteur agricole. A titre d’exemple, la BAD a lancé le ENABLE Youth Program, visant à soutenir 300 000 agro-entrepreneurs entre 2015 et 2025 et, par-là, créer au moins huit millions d’emplois à travers trente pays africains.
Seules 6 % de ses terres cultivées sont irriguées en Afrique contre 37 % en Asie. Le continent africain recense 60 % des terres arables non cultivées au monde, selon la FAO. Les rendements agricoles africains restent inférieurs à ceux de la moyenne des pays en développement. Ainsi les rendements céréaliers demeurent à 2,54 tonnes par hectare en Afrique.
La politique agricole mise en place en République du Congo
La République du Congo détient 80 millions d’hectares de terres arables. Avec cela, le pays pourrait nourrir deux milliards d’individus dans le monde. Dès lors, si les moyens sont mis en place, la République du Congo pourrait devenir une superpuissance agricole et mondiale. L’insécurité alimentaire frappe pourtant 27 millions de Congolais alors que chaque année, le pays dépense des milliards de dollars en importations de produits alimentaires.
Son Excellence le Président Félix Tshisekedi a clairement exprimé sa volonté de transformer le secteur agricole en RDC. Sa vision consiste à moderniser l’agriculture, à promouvoir l’entrepreneuriat agricole et à améliorer la productivité des petits exploitants. Il reconnaît également l’importance de la diversification des cultures et de la promotion de l’agro-industrie pour stimuler l’économie rurale.
Pour mettre en œuvre sa vision, il a mis en place plusieurs initiatives clés. Tout d’abord, il a lancé le Programme national de développement agricole (PNDA), qui vise à moderniser l’agriculture en introduisant des techniques agricoles modernes, des semences améliorées et des technologies de l’information et de la communication.
En outre, il a promu l’investissement dans l’agriculture en créant un environnement favorable aux investissements privés. Il a encouragé les partenariats public-privé pour développer des projets agricoles à grande échelle et a facilité l’accès au financement pour les agriculteurs et les entrepreneurs agricoles.
Pour finir, la politique volontariste, mise en place dans le pays, a vu éclore six sites de cultures vivrières à grande échelle destinés à la consommation locale et disséminés sur l’ensemble du territoire. L’agriculture doit être source de création de richesses au même titre que l’exploitation minière.
La politique agricole de Son Excellence le Président Félix Tshisekedi en République Démocratique du Congo représente une opportunité unique de moderniser le secteur agricole, de promouvoir l’entrepreneuriat agricole et d’améliorer la sécurité alimentaire. Grâce à des initiatives telles que le PNDA et la promotion de l’agro-industrie, il ouvre la voie à un avenir prometteur pour l’agriculture en République Démocratique du Congo.
Les axes prioritaires pour devenir une puissance agricole
Cinq axes sont prioritaires pour faire de la République Démocratique du Congo une puissance agricole :
- Investir dans les infrastructures. C’est une condition indispensable au développement du secteur agricole. Pour connecter les producteurs aux marchés, réduire les pertes après récolte et développer la transformation, une infrastructure de qualité est essentielle. En République Démocratique du Congo, les principaux besoins dans ce secteur sont le renforcement du réseau routier, le développement des infrastructures de stockage et l’amélioration de l’accès à l’électricité.
- Renforcer le cadre juridique. Si l’infrastructure physique est nécessaire, le cadre juridique et réglementaire l’est également. Simplifier les réglementations et réduire la bureaucratie peuvent contribuer à créer un environnement favorable à l’investissement privé. Favoriser l’accès au foncier et créer des zones économiques spéciales sont deux priorités clés dans ce domaine en République Démocratique du Congo.
- Promouvoir l’innovation. Les nouvelles technologies changent véritablement la donne et la République Démocratique du Congo regorge d’entrepreneurs innovants. Avec un soutien financier et technique adéquat, ils pourraient révolutionner le secteur agricole du pays, par exemple en créant des semences adaptées aux conditions locales, en utilisant des drones pour cultiver, développer une agriculture de précision ou exploiter la puissance de l’Internet mobile.
- Améliorer la résilience climatique. Le changement climatique est l’un des plus grands défis de notre époque et il est essentiel d’aider les agriculteurs congolais à y faire face. Pratiquer une agriculture intelligente face au climat peut les aider à s’adapter, tandis que l’assurance agricole peut les protéger contre les risques de catastrophe naturelle.
- Promouvoir la coopération. Pour créer un environnement propice au développement agricole en République Démocratique du Congo, la coopération entre toutes les parties prenantes – le secteur privé, le gouvernement et les partenaires au développement – est essentielle. À cet égard, les partenariats public-privé offrent aux autorités congolaises l’opportunité de tirer parti de l’expertise et des ressources financières du secteur privé.
Pour finir, le recours aux nouvelles technologies est également une solution. A titre d’illustration, Agribusiness TV est la première webtélé africaine dont la mission est d’utiliser la vidéo comme outil pour promouvoir et (ré)évaluer le secteur agricole aux yeux des jeunes en mettant en avant les parcours réussis de jeunes agro-entrepreneurs et leurs innovations en Afrique. Cette initiative fut lancée par un couple d’entrepreneurs originaires du Burkina Faso avec le soutien du Centre technique de coopération agricole et rurale (CTA).
Julien BRIOT-HADAR
Économiste français, fondateur du cabinet BH Compliance Consuting, expert en compliance et financement de projets, énergie et secteur bancaire (France, Luxembourg, Maghreb et Sénégal). Il est également conférencier et intervenant en universités et écoles de commerce (HEC Paris).