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15H34 - jeudi 21 novembre 2024

Résolution générale. Face aux crises : les communes, heureusement !

 

Face aux crises que traverse notre pays et à celles qui menacent, les communes heureusement sont là, stables, disponibles, solides, au plus près du citoyen.

Depuis quatre ans, les crises s’enchaînent : sanitaire, démocratique et institutionnelle, géopolitique, sociale et économique, financière, écologique et climatique aussi, et peut-être surtout, tant l’actualité imprime, dans une cruelle et dévastatrice réalité, les conséquences de l’activité humaine sur notre environnement et son climat.

Heureusement que les communes portent les services publics de proximité et démontrent, par leur action concrète, innovante et efficace, que l’échelon local n’est pas le problème mais, au contraire, est porteur de solutions pour le pays.

Il est en réalité tout simplement salutaire et de plus en plus vital, que notre nation bénéficie de ce socle de proximité et de performance publique au service des habitants, de leur qualité de vie et de l’avenir de toutes les générations.

Heureusement que les communes, véritables pôles de stabilité, sont un repère pour les Français. Il est donc plus que jamais essentiel de libérer leur capacité d’agir plutôt que de les attaquer. L’an passé, le titre de notre Congrès était « Communes attaquées, République menacée » : malheureusement nous y sommes : la République vacille.

Depuis ce dernier Congrès, la France a traversé de nouvelles secousses. Les élections européennes, suivies d’unedissolution incompréhensible et d’un scrutin législatif – qui n’a pas dégagé de majorité absolue – ont entraîné une quasi-vacance du pouvoir, et ont un peu plus fragilisé nos institutions. Il est d’ailleurs utile de rappeler que l’organisation matérielle de ces législatives a reposé sur la force d’adaptation des communes, démontrant encore une fois qu’elles sont l’un des solides piliers de notre démocratie.

Pendant ces quatre derniers jours, nos débats ont mis en lumière à quel point cette adaptabilité est précieuse pour le pays. À quel point aussi nos territoires ultra-marins, qui se sentent abandonnés et attendent des perspectives,affrontent des problématiques fortes et complexes, entre autres en matière de violences, de vie chère ou d’accès à l’eau.

De la sécurité des Français à la solidarité internationale, en passant par la gestion des risques et l’inclusion des personnes en situation de handicap, pour ne citer que quelques exemples, rien ne serait possible en France sans l’engagement quotidien des communes. Ce Congrès a donc servi de bilan de santé pour notre démocratie, dont lesplus de 34 000 maires et les 1 254 présidents d’intercommunalité, sont les meilleurs capteurs des attentes et despréoccupations de nos concitoyens.

Pendant ces journées, nous avons entendu parfois de la résignation, des inquiétudes, et une colère commerarement auparavant. Mais, nous avons vu aussi la combativité, l’attachement au service de l’intérêt général et la confiance dans la capacité de rebond de notre pays. Notre 106ème Congrès a faitla démonstration de notre unité, traduite par l’instant symbolique de notre rassemblement « Écharpes Noires ». Il atraduit notre forte solidarité à l’égard de nos collègues des Outremers, confrontés à des situations d’une ampleur et d’une gravité exceptionnelles. Il nous a permis aussi de signifier pour la première fois notre très forte préoccupation face à l’extension du narcotrafic. Enfin, au 1000ème jour de la guerre en Ukraine, nous avons rappelé l’engagement de nos communes à travers les premières Assises franco-ukrainiennes des collectivités locales.

Il n’est pas un maire qui ne se soit senti exaspéré car injustement mis en cause par la dénonciation calomnieuse de certains représentants de l’État nous accusant de mauvaise gestion. Accusation d’autant plus inacceptable qu’elle était portée par ceux qui ont sinistré le pays, laissant ses finances dans une situation que leurs successeurs décrivent eux-mêmes comme nécessitant une action de redressement d’une exceptionnelle ampleur… Nous enavons malheureusement la triste illustration puisque d’ores et déjà sur nos comptes 2024, les collectivités territoriales ont appris il y a quelques jours que les chiffres de compensation par une fraction de TVA sont amputés au total de 1,9 milliard dont plus de 500 millions pour les communes et les intercommunalités. La réfraction de ces recettes, que nous avions budgétées sur la base des chiffres transmis par l’État, est d’une ampleur que nous n’avions jamais connue en cours d’année.

 

Ce que nous vivons n’est pas une défaillance momentanée du système, c’est dans ses profondeurs que lesystème est défaillant.

Comment en est-on arrivé là ? Ce que nous vivons aujourd’hui n’est que l’amplification d’un long processus. Les difficultés, auxquelles les citoyens et les collectivités sont confrontés, proviennent pour beaucoup d’une profonde perte de confiance dans un État qui se veut omnipotent mais est devenu impotent. La présence de l’État a reculé localement et repose trop souvent sur le seul volontarisme des membres du corps préfectoral. Les sous-préfecturessont désertées, les services départementaux se sont réduits comme peau de chagrin quand parallèlement des services, organismes ou agences régionaux de l’État multiplient les avis et contraintes, parfois au dernier moment. Plus l’État perd ses moyens d’agir, d’accompagner et de se projeter, plus les contraintes qu’il impose sontnombreuses. Malgré les bonnes relations avec les préfets et sous-préfets, l’État faussement déconcentré et éclaté enmultiples autorités avec des avis parfois contradictoires, parvient plus, aujourd’hui, à trouver ou créer les problèmesqu’à suggérer des solutions.

 

Une Spirale Infernale

1ère étape : l’État se retire, les collectivités assurent. Quand l’État n’arrive plus à assumer ses compétences, il les transfère insidieusement aux collectivités ou les force à s’en saisir. Dans le domaine de la sécurité, par exemple, les coûts des polices municipales explosent et représentent près de 2,2 milliards d’euros, mais c’est en grande partie parce que l’État n’est en réalité plus en mesure d’assumer ses compétences régaliennes. Au travers de la création de la compétence GEMAPI et du transfert des digues, il se défausse sur les communes et leurintercommunalité, alors même que l’impact du changement climatique confronte notre territoire à une accélération des catastrophes tant dans leur fréquence que dans leur intensité. En matière de santé, les collectivités se retrouvent dans l’obligation d’intervenir ; l’État peine à assumer les indispensables AESH, les communes sont appelées à larescousse. Les CCAS sont devenus incontournables pour maintenir le lien social et nous savons tous l’importance que les communes ont dans l’accès à un repas quotidien pour un grand nombre d’enfants.

 

2ème étape : l’illusion de puissance. Face à l’érosion de sa capacité à agir, l’État se donne l’illusion de lapuissance en corsetant l’action des collectivités. Le coût de l’inflation des normes s’élève en deux ans à 4,1 milliards d’euros de dépenses nouvelles pour les collectivités territoriales, sans parler des dotations fléchées, ou des appels à projets qui compliquent la capacité d’agir des maires et présidents d’intercommunalité. Le Zéro Artificialisation Nette (ZAN), caricature de la technocratie, est, à ce titre, illustratif du fait qu’un dispositif descendant et souvent abscons ne permet pas d’atteindre un objectif, au demeurant indispensable. Sans loi nouvelle, le ZAN sera un échec.

 

3ème étape : les collectivités boucs émissaires. L’État a regrettablement, mais manifestement, perdu le contrôle de son budget. Le dérapage budgétaire a atteint une telle gravité que certains pour se défausser ont inventé le déficit des collectivités pour tenter de masquer l’incompétence et la mauvaise foi des acteurs aux commandes,soustrayant du débat les vraies raisons et les responsables d’une dette et d’un déficit de l’État devenus abyssaux.

Des chiffres farfelus ont été jetés dans le débat, stigmatisant un imaginaire – et pratique – dérapage des collectivités de 16 puis de 20 milliards. Comble de l’ironie, cela renvoie les artisans de la nationalisation de la taxe d’habitation, qui coûte au contribuable national 25 milliards d’euros chaque année, à leur responsabilité. Au-delà de cette dépense, qui contribue à déséquilibrer structurellement le budget de l’État, cela a, après le rétrécissement considérable de la fiscalité économique, achevé d’affaiblir toute autonomie fiscale et financière.

Le projet de loi de finances 2025 proposé aux collectivités, avec près de 10 milliards d’euros de pertes de recettes etde charges supplémentaires affectant leur capacité d’agir aura un effet récessif sur la croissance et l’emploi sans produire réellement les économies annoncées. L’ampleur des ponctions et ses conséquences délétères pour notre pays nous conduisent à affirmer qu’il s’agit du plus mauvais budget pour les collectivités, qui amplifiera leproblème des comptes publics.

C’est ainsi que le pays se bloque, nourrissant une inquiétude populaire qui se retrouve le plus souvent en colère.Face aux revendications légitimes de citoyens déboussolés, l’État se tourne alors vers les collectivités et nousrepartons pour un tour, piégés dans une spirale sans fin.

 

Un État défaillant et affaibli dans un monde bouleversé

Cette spirale infernale s’étant emballée, l’État continue à s’affaiblir un peu plus chaque jour. Or, il n’est ni souhaitable ni responsable de laisser prospérer l’impuissance publique. Les communes de France ont besoind’un État fort pour affronter les défis auxquels notre pays doit faire face.

C’est bien sûr le défi de la transition écologique, qui requiert certes des solutions locales adaptées aux réalités, mais appelle également une vision nationale de long terme en phase avec les enjeux internationaux. Nous devonségalement faire face collectivement à la résurgence des tensions sociales et l’expression de la violence qu’elles entraînent. A ce titre, les événements récents des Outremers sonnent comme une alerte pour l’ensemble du pays.

Pour endiguer ces tensions sociales qui fracturent le pays, nous avons besoin que l’appareil d’État soit performant, tant sur le plan de la sécurité que de la cohésion. Un autre défi pour notre nation sera en outre de surmonter la crise économique qui prend de l’ampleur de façon inquiétante, entrainant des fermetures d’entreprises et desdestructions massives d’emplois. Il est urgent de combattre le déclassement économique et industriel de notre pays. Enfin, à nos frontières, la France est confrontée à l’intensification des conflits dans le monde, et aux conséquencesqu’ils impliquent pour notre pays en termes de solidarité et de souveraineté.

Nous constatons que l’État n’est aujourd’hui plus assez armé pour affronter toutes ces épreuves s’épuisant à vouloir trop faire, à vouloir tout faire. En l’affirmant, les communes de France ne se posent pas en adversaires de l’État,mais comme ses plus proches alliées. Nous sommes une partie intégrante de la Nation et chacun des maires œuvre à faire réussir notre pays. C’est cette conviction qui nous amène à observer aux premières loges la faillite de lapensée centralisatrice. Ce dont nous avons besoin aujourd’hui c’est d’un État stratège, recentré, qui porte et répond aux enjeux de long terme, en permettant au pays de relever les défis de notre siècle, notamment numériqueet écologique.

L’appel des maires de France : pour un renouveau de la puissance et de l’action publiques au service des citoyens

Par cet appel, il s’agit de renouer avec l’esprit originel de la décentralisation. Nous formulons ainsi un certain nombre de propositions qui ont toutes pour ambition de permettre à chaque commune d’inventer librement sonterritoire.

  • Cela passe tout d’abord par la refonte des relations entre l’État et les collectivités. L’heure n’est plus auxdéclarations de bonnes intentions et encore moins aux lois techniques pour répondre à tel ou tel « irritant ». C’est l’ensemble de l’organisation institutionnelle qu’il convient de remettre en débat, avec l’objectif de redéfinir les responsabilités entre l’État et les collectivités. Notre ambition est de recentrer l’action de l’Étatsur son domaine propre, afin de laisser s’épanouir l’action des collectivités en mettant en œuvre le principe de subsidiarité. C’est pourquoi, nous appelons à la tenue d’une concertation nationale sur la répartition des compétences et des financements entre l’État et les collectivités.
  • En attendant et de façon immédiate, pour que cesse le flot continu des nouvelles contraintes qui surenchérissent et entravent l’action communale, nous proposons la suspension des normes supplémentaires sur les équipements.
  • Les communes doivent pouvoir adapter leur action à leur territoire et c’est pourquoi elles sont prêtes à assumer pleinement le pouvoir réglementaire. Notre conviction est forte et notre demande est simple : que la loi renvoie directement aux collectivités la définition des modalités pratiques d’application. C’est le moyen le plus puissant pour transformer l’action publique, sans même devoir réviser la Constitution. Faire confiance aux collectivités pour écrire la norme épargnerait au législateur des lois toujours plus nombreuses et toujours plus Mieux encore, en libérant l’administration de la rédaction de circulaires et décrets, nous pourrions réduire considérablement l’inflation normative qui pénalise tant l’action des communes aujourd’hui.
  • Pour pouvoir agir de façon libre et responsable, les communes ont besoin de disposer d’une véritable autonomie fiscale. Car affirmer aujourd’hui le principe d’autonomie financière est une imposture, quand l’autonomie fiscale est, elle, un mirage. Loin des polémiques politiciennes et des débats piégés, nous avonsbesoin de réfléchir sereinement à des leviers fiscaux à la main des communes pour retrouver des marges de manœuvre. Nous réaffirmons notre proposition historique de remplacer de la fiscalité nationale par de la fiscalité locale, sous forme de contribution territoriale universelle sans augmenter le niveau global desprélèvements La participation de chaque citoyen au financement des services publics dont il bénéficie est aussi un vecteur puissant de renforcement du lien démocratique. Il s’agit pour le contribuable local de retrouver un pouvoir de contrôle sur l’action de ses élus, et pour le maire d’engager sa responsabilité devant l’électeur. Convaincus qu’il est urgent de renforcer le consentement à l’impôt dans notre société nous sommes disposés à engager cette discussion, mais hors du débat sur la loi de finances et dans une réflexion globale sur la fiscalité nationale, pour éviter toute dérive supplémentaire du poids des impôts.
  • Pour garantir la liberté d’action des communes nous proposons de fusionner le Comité des finances locales et le Conseil national d’évaluation des normes pour en faire une véritable instance des libertés locales, dotéedes pouvoirs d’une autorité administrative indépendante. Elle serait chargée de veiller au respect de la libre administration des collectivités. Ses pouvoirs d’enquête et de contrôle lui donneraient pour missiond’empêcher l’empiètement sur le domaine d’action des collectivités. Elle pourrait être saisie par toute collectivité qui s’estime lésée.
  • Pour assurer leur liberté d’action, les communes doivent retrouver de la visibilité sur leurs financements.Outre l’instauration d’une véritable autonomie fiscale, nous réclamons l’instauration d’un document, spécifique et obligatoire annexé à la loi de finance, permettant une vision exhaustive des ressources et desflux financiers sur une année. Il est temps de renoncer à une administration de contrôle au profit d’uneadministration de projet et d’achever la réforme engagée en 1982 en supprimant définitivement le déférépréfectoral qui relève d’une pratique dépassée. Son abandon signerait une marque de confiance de l’État envers les collectivités. Les services déconcentrés de l’État ne sont d’ailleurs plus en mesure de contrôler les Il conviendrait donc de les réorienter sur le conseil en développant la pratique du rescrit. Le préfet bénéficierait toujours d’un intérêt à agir pour contester les actes locaux devant les tribunaux administratifs.
  • Nous proposons, afin de lutter contre une dérive supracommunale, de donner plus de souplesse à l’échelonintercommunal, qui doit pouvoir être un véritable outil au service des communes. Nos EPCI sont essentiels pour porter des projets structurants dont l’envergure dépasse le périmètre de chaque commune. La carte intercommunale a atteint sa maturité et il convient désormais de permettre aux intercommunalités dedéployer tout leur potentiel au service des C’est ainsi que nous demandons la fin des transferts obligatoires pour entrer dans l’ère des compétences choisies. Chaque commune doit pouvoir décider de ce qui est le plus pertinent à mettre en commun au niveau intercommunal. L’abandon du transfert obligatoirede la compétence eau et assainissement pour les communautés de communes est une victoire et un signal encourageant pour l’avènement d’une intercommunalité réellement choisie et non plus subie.
  • Nous alertons sur les risques de recentralisation des fonds de cohésion territoriale et demandons leur maintien en volume ainsi qu’une simplification de leur utilisation. Par ailleurs, la nomination d’un commissaire européen au logement doit se traduire par un plan de relance qui permettra d’accompagner les communes dans leurs projets.
  • Enfin, pour asseoir symboliquement mais aussi juridiquement sa place dans notre organisation, la commune devrait être consacrée dans la Constitution comme composante essentielle de l’identité territoriale de la Sa clause de compétence générale, qui lui permet d’assurer le service public universel, serait de lamême façon confirmée dans notre loi fondamentale.

 

L’ensemble de ces propositions concrètes a pour ambition de révolutionner notre organisation. Il nous faut aujourd’hui, comme disait Michel Rocard, décoloniser nos collectivités, pour ouvrir enfin le temps des libertés locales.

La gravité de la situation légitime la force de nos propos et l’ampleur de notre mobilisation.

Cet appel des Maires de France n’est pas seulement la conclusion de notre Congrès ; il est aussi et surtout le lancement d’un vaste mouvement à travers tout le pays.

La mobilisation qui s’est exprimée ne va pas retomber avec le rideau du Congrès ; elle va continuer à résonner dans chaque commune. Nous appelons ainsi l’ensemble des maires de France et leurs équipes à multiplier les actions de sensibilisation partout sur le territoire.

Notre mission collective est maintenant de créer les conditions de l’action pour faire de cette ardeur une puissance transformatrice positive pour la France et les Français.

Nous ne laisserons pas affaiblir les Communes car ce ne serait pas seulement une erreur, mais une faute qui ouvrirait le risque de livrer le pays aux aventures que les crises portent en elles.

Plus que jamais, « Les communes, heureusement » !

Heureusement, pour assumer d’être le premier recours des Citoyens et, trop souvent leur dernier espoir ;

Heureusement parce qu’elles sont le lieu de la proximité et d’une démocratie vivante ; Heureusement parcequ’elles sont dans ce monde bouleversé un pôle de stabilité.

Oui ! la France, aujourd’hui comme demain, a plus que jamais besoin de ses communes, de la mobilisationde ses 498 000 élus locaux et de ses agents territoriaux. Ensemble, nous sommes une chance pour la France.

 

Vive les communes Vive la République Vive la France

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Michel Taube