C'était un certain...
05H43 - samedi 21 décembre 2024

C’était un certain 21 décembre… 1880 : les filles entrent au lycée

 

Voici le récit d’une loi presque oubliée qui a changé la vie des femmes en France…

La proposition de loi de Camille Sée, député de Saint-Denis, sur l’enseignement secondaire des jeunes filles est transmise au Sénat le 27  janvier 1880.

Elle fait l’objet d’un rapport présenté par Paul Broca et publié au Journal officiel du 19 juillet 1880. Ce projet est discuté en séance publique devant la Haute Assemblée les 20 et 22 novembre 1880. Une seconde délibération se déroule les 9 et 10 décembre 1880 et se termine par l’adoption de ce texte.

Extrait du rapport :

« Messieurs, la pensée qui a inspiré le projet de loi soumis aux délibérations du Sénat est de celles qui s’imposent à tous les esprits éclairés dans une nation civilisée. Elle n’est pas politique, elle est sociale dans la plus haute et la plus pure acception du mot, car la société repose sur la famille, et la famille est ce que la fait la femme. Pendant que l’homme lutte et travaille au dehors, la femme élève les enfants. Comme elle a allaité leur corps, elle allaite leur esprit ; elle est leur première et quelques fois leur seule institutrice ; elle cultive leurs facultés, développe leurs sentiments, leurs goûts, leurs idées morales ; elle les prépare à la vie pratique, et la société les reçoit de ses mains tout imprégnées de ses leçons et de ses exemples, dont le souvenir est plus durable que tout autre. (…)Et puisque tous les partis politiques s’accordent dans la même pensée sur l’utilité des bonnes mœurs, ils ne sauraient différer d’avis sur l’utilité de l’instruction des femmes.  

« (…) Beaucoup de jeunes filles seraient capables, sans doute, de suivre jusqu’au bout et avec succès tout le programme des lycées ; mais il ne s’agit pas de leur donner toutes les connaissances qu’elles sont aptes à acquérir ; il faut choisir ce qui peut leur être le plus utile, insister sur ce qui convient le mieux à la nature de leur esprit et à leur future condition de mère de famille, et les dispenser de certaines études pour faire place aux travaux et aux occupations de leur sexe. Les langues mortes sont exclues ; le cours de philosophie est réduit au cours de morale ; et l’enseignement scientifique est rendu plus élémentaire ; on peut ainsi donner de l’extension à l’étude de la langue française, des langues vivantes, de la littérature et de l’histoire, tout en restreignant le nombre des années de la scolarité. »

Jusque-là, les jeunes Françaises qui désiraient prolonger leurs études n’avaient d’autre solution que les établissements confessionnels ou les « cours secondaires » créés à leur intention en 1867 par Victor Duruy, ministre de l’Instruction publique de Napoléon III. Dans les lycées publics qui leur sont ouverts, les cours de religion sont remplacés par des cours de morale. L’Église n’a plus le monopole de la formation des filles. L’année suivante, Camille Sée fait voter la création de l’École Normale Supérieure de Sèvres en vue de former des professeurs féminins pour ces lycées car il n’est pas encore question de mixité. Il faudra toutefois attendre 1925 pour que les programmes enseignés aux filles soient les mêmes que ceux destinés aux garçons. Le tout premier lycée de jeunes filles s’ouvre en 1882 à Montpellier.

 

MT, auteur dont l’un des deux frères a été au lycée Camille Sée de Colmar.