La chronique de Patrick Pilcer
20H58 - mardi 14 janvier 2025

Discours de Politique Générale : Bayrou gagne du temps mais la France peut-elle en perdre ! La chronique de Patrick Pilcer

 

Il y en a eu pour tout le monde. La gauche, la droite, les extrêmes, les agriculteurs, les jeunes, les vieux, chacun a eu une phrase dans ce discours pour le satisfaire a minima. La remise en chantier de la réforme des retraites et la « justice fiscale » pour le PS, la proportionnelle pour le RN, la lutte contre l’endettement pour les LR, l’écologie, l’agriculture, l’éducation, la culture, la laïcité, etc…

 

Un discours long, trop long, lent, trop lent, sans souffle, sans dynamisme, sans lyrisme, sans rêve, sans âme, sans le charme des mots que nous pouvions attendre d’un homme dit de lettres. Un discours où la plupart des Français se sont demandé s’ils ne perdaient pas tout bonnement leur temps. Un discours dont le seul objectif était d’éviter de tomber dès cette semaine par une censure immédiate.

Et cet objectif est a priori atteint, car, en fait, à part les extrêmes qui ne visent qu’à conflictualiser chaque instant possible, personne n’a envie de faire tomber le gouvernement pour le simple plaisir de le faire chuter. En fonction des choix que va faire ce gouvernement, il y aura des fenêtres de tir pour le mettre à terre, pas sur une liste à la Prévert de la situation du pays.

D’autant que Bayrou n’a rien dit, exactement, des mesures précises qu’il veut mettre en œuvre. C’est là d’ailleurs que le bât blesse.

Bayrou a passé beaucoup de temps à énumérer des grandes généralités, des constats que la grande majorité des Français partagent, des mots sans grand sens réel (« refondation » « ressaisissement » « forcer les issues »…). Bayrou a enfoncé des portes ouvertes, et accumulé des banalités, mais où sont les grands choix ?

 

Si la France est dans une crise profonde, il nous fallait un discours à la Mendes France ou digne du Général, pas un discours soporifique, destiné à plonger les députés dans une profonde léthargie.

Comment son gouvernement va-t-il faire pour diminuer la dépense publique, le serpent de mer des politiques budgétaires depuis Mitterrand ? Comment va-t-il faire pour éviter la forte hausse du chômage, non pas à venir mais celle déjà en cours avec les plans sociaux et les crises profondes de nombreux secteurs économiques, avec une économie européenne, entre autres en Allemagne, à l’arrêt, et un coût de la dette qui dépasse à présent la somme inflation plus croissance ? Comment va-t-il s’y prendre pour augmenter le taux d’emploi, le point faible, endémique, de notre économie, pour créer plus de richesses, pour simplifier la vie des entreprises et des citoyens ? Comment faire pour réduire l’immigration clandestine ou réellement expulser les OQTF ?

 

À part des lieux communs et des éléments de langage, rien, rien, rien, trois fois rien…

Pire, le projet budgétaire actuel augmente les impôts, augmente le coût du travail, enterre tous les progrès économiques, objectivement obtenus par la politique d’Emmanuel Macron, et il ne prévoit vraiment pas grand-chose en matière de baisse des dépenses publiques. Le mur est droit devant et le Gouvernement Bayrou accélère !

Bayrou cherche à gagner du temps de survie pour ses ministres au moment où la France n’a plus une minute à perdre pour redresser la barre des comptes publics ! Un temps de survie surtout pour Bayrou qui réalise enfin une partie de ses rêves de toujours, lui qui confiait, au siècle dernier, à Charles Pasqua, que la Vierge lui était apparue et lui aurait prédit qu’il serait président…

 

Il y aura donc bientôt l’examen budgétaire et le vote de la loi de Finances, puisqu’il est peu probable que ce gouvernement ne tombe d’emblée cette semaine.

Les députés auront alors de nouveau « arme en main », le stop ou encore, pour valider les grands choix de la Nation, ou non. Et Bayrou ne pourra pas faire appel à un ami…

Si les contributions fiscales augmentent, si le coût du travail augmente, si les dépenses de toutes les administrations ne baissent pas, enfin, la Droite et le Centre pourront-ils vraiment voter ce budget de gauche ?

Si ce n’est pas le cas, la Gauche pourra-t-elle ne pas censurer, avec en filigrane, dans l’atmosphère, le débat sur l’immigration ou sur l’AME ?

À condition bien sûr que Bayrou brandisse le fameux 49.3 pour faire passer son budget. Mais pourra-t-il faire autrement ou acceptera-t-il un budget avec des mesures allant dans tous les sens, un budget incohérent, un budget insincère ?

 

Puis viendra le temps de la loi de financement de la Sécurité Sociale, puis l’éventuelle nouvelle réforme des retraites, puis, immanquablement à l’été, une loi de finances rectificative, car tout est en place pour que notre déficit dépasse les 6% malgré la promesse gouvernementale.

C’est là, certainement, que ce Gouvernement tombera. Ce sera précisément aussi le moment où une nouvelle dissolution pourrait intervenir.

Ce sera le moment de redonner la parole aux Français et de leur demander de trancher, ou non.

 

Patrick Pilcer
Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers

Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers
Patrick Pilcer, Président de Pilcer & Associés, conseil et expert sur les marchés financiers