Pour faire face au regain d’activité et pour relever les défis environnementaux et technologiques, l’industrie aéronautique et spatiale a besoin de bras. De l’ingénierie à la production, en passant par la maintenance, environ 25 000 embauches ont été réalisées en 2024 partout en France. Un élan qui devrait se prolonger pendant encore des années.
Dans ce secteur en constante évolution, la recherche de talents spécialisés ne cesse de croître. On estime à 25 000 personnes le nombre de personnes recrutées en 2024 et tout autant de postes devraient être à pourvoir au cours de cette année.
En effet, après les perturbations causées par la pandémie de Covid-19, les compagnies aériennes, comme les industriels ont repris leurs embauches. Air France prévoit de recruter près de 300 pilotes par an. La compagnie a par ailleurs relancé sa filière de pilotes « Cadets » afin d’intégrer en formation de nouveaux aspirants pilotes.
L’industrie aéronautique recherche aussi activement de nouveaux talents afin de relever un double défi : augmenter les cadences de production et préparer l’avion décarboné du futur. Les besoins se font sentir dans les métiers traditionnels de la production et de l’ingénierie, comme dans ceux liés au numérique et à l’écoconception.
Les investissements dans tous les domaines de la formation augmentent donc. Airbus a notamment ouvert un centre dédié, baptisé « Safety promotion center », implanté à Blagnac près de Toulouse. L’avionneur a également créé au sein de ses chaînes d’assemblage final des espaces de formation, baptisées « First class room », pour les personnels de production. Le groupe Safran a décidé de fédérer des ateliers et un centre de formation, au sein d’un réseau d’écoles industrielles. Le réseau compte 70 écoles, dont 38 en France. L’industriel prévoit d’en ouvrir sept supplémentaires cette année. Du côté de Thales, des « Académies des savoirs », spécialisées par fonction (finance, gestion de projets, etc.) et par métier, ont été mises en place.
Les écoles s’adaptent quant à elles aux besoins en compétences, présents et futurs, identifiés par l’industrie. Pour ces établissements – ISAE Supaero, École de l’Air et de l’Espace, ENAC, TBS Éducation, IPSA…- la décarbonation, l’intelligence artificielle et la cybersécurité figurent parmi les thématiques prioritaires de leurs formations.
Philippe Dujaric, directeur des affaires sociales et de la formation du GIFAS, Groupement des Industries Françaises Aéronautiques et Spatiales, aborde avec nous les rôles et missions du GIFAS, ainsi que les défis et challenges à relever autour de la formation et du recrutement pour cette filière d’excellence.
Magali Rebeaud : Le GIFAS (créé en 1908 !) représente l’ensemble des acteurs du secteur aérien et spatial auprès des instances nationales et internationales. Quelles sont ses missions et les vôtres en particulier ?
Philippe Dujaric : Le GIFAS est le syndicat professionnel des industries aéronautiques et spatiales en France. Près de 500 entreprises sont adhérentes : de grands maîtres d’œuvre tels qu’Airbus, Dassault Aviation, Safran, Thalès, Arianegroup, MBDA, ainsi que de nombreux équipementiers, et plus de 200 PME, et depuis deux ans, des startups aussi bien dans le domaine aéronautique que dans le domaine spatial.
La mission essentielle du GIFAS est de défendre les intérêts économiques, sociaux de cette belle filière française industrielle. Parmi les missions, il y a notamment la promotion de l’emploi et des formations.
Nous avons d’ailleurs lancé il y a près de 3 ans la campagne « l’Aéro recrute », une campagne que nous poursuivons et dont l’objectif est de faire connaître et de promouvoir tous ces métiers de pointe et de passion du secteur, auprès de candidats de tous horizons, du CAP au Bac+8, qu’ils soient jeunes diplômés, expérimentés ou en reconversion.
Sur la plateforme « laerorecrute.fr » près de 150 entreprises présentent leurs métiers en tension et leurs besoins en recrutement. On y trouve également des vidéos présentant les métiers, ainsi que toute la liste des formations intéressant le secteur, du lycée professionnel aux écoles d’ingénieurs.
D’autre part, nous soutenons activement le développement des formations. Nous avons entre autres une convention de mécénat avec le groupe ISAE, qui regroupe six écoles représentant près de la moitié des recrutements de jeunes ingénieurs dans la filière. Et parce qu’il n’y a que 27% de femmes dans la profession, nous participons activement au label « féminisons les métiers de l’aéronautique », porté par Aérométiers pour sensibiliser des collégiennes, lycéennes et étudiantes. Nous préparons d’ailleurs une opération de mise en visibilité des femmes dans l’aéronautique et le spatial, pendant le prochain Salon du Bourget.
La filière a-t-elle retrouvé son dynamisme, son niveau d’emplois d’avant la crise Covid ?
Non seulement elle l’a retrouvé, mais elle l’a dépassé ! Nous avons recensé 4% d’emplois en plus fin 2023 par rapport à l’avant Covid. Cette année, nous prévoyons de recruter à peu près autant de personnes qu’en 2024, soit 25 000, notamment sous l’impulsion de la filière défense.
Certaines entreprises ont beaucoup recruté ces deux dernières années et comptent aujourd’hui près de 30% de jeunes embauchés dans leurs effectifs. Elles vont donc ralentir la cadence et davantage se concentrer sur la formation et la sélection des tuteurs afin d’accompagner au mieux ces nouvelles recrues. En effet, un métier dans un secteur aussi pointu ne s’improvise pas. Selon les postes, il faudra parfois compter six mois, voire davantage, pour qu’un ouvrier qualifié en métallurgie ou en ajustage par exemple, devienne autonome.
L’aéronautique va donc créer de l’emploi et cela pendant des années ! Ce n’est pas seulement le GIFAS qui le dit, c’est aussi l’Observatoire des métiers de la métallurgie, qui regroupe l’aéronautique, la mécanique, l’électronique, etc. D’après leur étude, la filière aéronautique et spatiale affiche 20 à 25% de croissance nette d’emplois à l’horizon 2030-2035.
Aujourd’hui quels sont les besoins en matière d’emploi, quels sont les profils les plus recherchés ?
Notre secteur recrute beaucoup d’ingénieurs. Classiquement, cela ne change pas. Il s’agit d’ailleurs du premier secteur industriel « consommateur d’ingénieurs » en France. Aujourd’hui, des profils avec de nouvelles spécialités sont recherchés, en lien notamment avec la décarbonation et les énergies.
Les industriels recherchent aussi beaucoup d’ouvriers spécialisés, de techniciens, de professionnels spécialisés dans la recherche et le développement pour préparer la génération d’avions ultra-frugaux de la prochaine décennie. Mais à court terme, on veut surtout attirer des jeunes, ou des moins jeunes, vers les métiers de production, d’opérateurs et de techniciens.
Nous devons donc continuer notre effort pour développer des filières de formation parfaitement adaptées à nos besoins.
Alors justement, concernant la formation, y a-t-il des spécificités en France ?
Et bien en France nous sommes particulièrement bien dotés en termes de formation. Le panel est riche et diversifié.
Nous ne remarquons pas de manque d’organismes de formation. En revanche, il peut y avoir un manque de candidats, de jeunes, ou de moins jeunes, à former, particulièrement vers les métiers d’opérateurs et de techniciens.
Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui souhaite intégrer la filière aéronautique ou spatiale ?
Il faut avant tout que ce jeune homme ou cette jeune femme, se dise : « Pourquoi pas moi ! ».
Notre filière a encore cette réputation bien ancrée d’être un peu élitiste. Or, que l’on ait un CAP ou un Bac+8, il est possible d’effectuer une belle carrière, de s’épanouir pleinement dans ce secteur et de contribuer à son niveau à de beaux et grands projets ! Il existe des formations accessibles à tous les niveaux, menant à des métiers de pointe et de passion, où brille encore et toujours l’innovation.
Alors que ce jeune n’hésite pas à consulter le site aérorecrute.fr, mais aussi Aérométiers qui est notre agence d’orientation sur l’ensemble des métiers de l’aérien. Les pistes et les conseils y sont nombreux.
Il y a des métiers pour toutes et tous !