Selon une étude menée par le National Center for Health Statistics aux Etats-Unis, la proportion de femmes ayant déjà eu recours à la contraception d’urgence a augmenté en quelques années. Paradoxalement, l’accès à la pilule n’y est pas aisé, ce qui alimente des débats politiques houleux depuis sa mise en vente en 1999. Le 5 avril dernier la FDA (Food and Drug Administration) a mis fin à la polémique en approuvant la vente libre de la pilule du lendemain dès l’âge de quinze ans.
5,8 million de femmes ont déjà utilisé la contraception d’urgence aux Etats Unis
La contraception d’urgence, surnommée « Plan B One-Step », peut arrêter une grossesse si elle est prise dans les 72 heures après un rapport non protégé. D’après le NCHS, la prise de la contraception d’urgence a doublé. Le pourcentage de femmes sexuellement actives de 15 à 44 ans l’ayant déjà prise est passé de 4,2% en 2002 à 11% en 2006-2010. Le rapport ajoute que 49% de ces femmes ont utilisé cette pilule après un rapport non protégé, tandis que 45% d’entre elles l’ont utilisée par peur que le moyen contraceptif utilisé ait failli.
Alors qu’elle n’est prescrite que sur ordonnance pour les jeunes femmes âgées de moins de dix-sept ans, les études scientifiques révèlent une diffusion importante du Plan B auprès des jeunes femmes : 14% des 15-19 ans l’auraient déjà prise en 2006-2010. Cette étude met en lumière le besoin urgent de revoir la distribution en pharmacie de la pilule du lendemain sans limite d’âge.
Une décision « politiquement motivée » mais « injustifiée scientifiquement »
Le débat a toujours été au cœur de la politique américaine car il éveille la morale conservatrice des Etats-Unis. Fin 2011, la demande de la FDA de diffuser la pilule du lendemain en vente libre sans limite d’âge est rejetée par Kathleen Sebelius, alors Secrétaire à la Santé et aux Services sociaux. C’était la première fois dans l’histoire que le Ministère de la Santé contestait publiquement une décision prise par la FDA. Le président Obama, père de deux adolescentes, a soutenu la décision de sa Secrétaire en déclarant que « la raison pour laquelle Kathleen a pris cette décision est qu’elle n’est pas très sûre que cette pilule puisse être vendue à des filles de 10 ou 12 ans comme des chewing-gums, et étant donné ses contre-indications si elle n’est pas prise correctement ».
Le juge Korman a accusé l’administration d’Obama de faire passer la politique avant la science. En effet, si Kathleen Sebelius s’inquiétait que cette décision scientifique ne prenne pas en compte les risques du « Plan B » sur les filles âgées de 11 ans, sa décision était avant tout politique, puisque la prise de la pilule du lendemain est une issue stratégique dans le débat sur l’avortement. Le journaliste américain Chris Hayes fait remarquer que le vrai problème dont il est question ici concerne la vie sexuelle des adolescentes, une idée qui rend fou les Américains. Malgré le fait que 10% des filles âgées de 11 ans soient capables d’avoir des enfants, Karen Hunter insiste que la pilule du lendemain n’est pas un besoin et ne doit concerner que les femmes, non les préadolescentes : « j’ai grandi dans un contexte où les filles de 12-13 ans ne devraient pas avoir des rapports sexuels ».
Nancy Northup confirme qu’ « aujourd’hui la science a prévalu sur la politique »
La morale freine l’action politique mais les faits sont là ; le juge Korman a ordonné à la FDA de faciliter l’accès à la contraception d’urgence en supprimant les restrictions relatives à l’âge. La FDA s’est résolue à permettre aux jeunes femmes dès 15 ans de se procurer sans prescription la pilule « Plan B ». Cette décision a été saluée par les groupes de défense pour les droits de la femme, qui se sont longtemps mobilisés sur cette question. Nancy Northup, présidente du Centre pour les droits de reproduction (CRF), a félicité l’initiative de la FDA : « c’est une victoire pour toutes les femmes ». Néanmoins la lutte n’est pas terminée, l’administration d’Obama ayant fait appel le 13 mai contre cette décision judiciaire.