Avec le vote de confiance au Parlement obtenu mercredi et en équilibre jusqu’au dernier moment, le gouvernement d’Enrico Letta (Parti Démocrate) a réussi à éviter la crise de gouvernement menacée par le Peuple de la Liberté (PDL) de Silvio Berlusconi.
Les événements précédents
Depuis que le 1er Août, Berlusconi a été condamné à quatre ans de prison et à l’interdiction d’occuper une charge publique pour évasion fiscale, la politique italienne est emmêlée dans un circuit de menaces qui exercent un « chantage » sur l’exécutif. A propos de Berlusconi et de ses exigences.
Berlusconi réclamait la suppression de l’impôt sur la première maison, l’IMU (Impôt Municipal Unique), conçu par son propre gouvernement en 2011 mais promulgué par Mario Monti en 2012. Clamant que la maison est un bien sacré auquel on ne peut pas toucher, Berlusconi a obtenu du gouvernement d’Enrico Letta la suppression de cet impôt. Mais on ne sait pas encore comment ce trou de près de 4 milliards d’euros sera comblé…
Suite à sa condamnation, un processus d’exclusion a alors débuté au Sénat. Devant le Parti Démocrate qui s’était avéré inflexible, Berlusconi avait indiqué qu’il demanderait la grâce du Président de la République, Giorgio Napolitano. Il a même affirmé qu’il irait jusqu’à saisir la Cour européenne des droits de l’homme, car il se dit persécuté par les juges.
Samedi dernier, un tournant s’est produit, lorsque le Cavaliere a réclamé aux ministres PDL du gouvernement de démissionner, arguant une éventuelle hausse de l’IVA, la TVA italienne, décidée par le gouvernement Letta. Ce « geste fou », fragilisant ainsi le gouvernement, a obligé le Président du Conseil à se soumettre au vote de confiance des parlementaires.
Crise gouvernementale ou crise de Berlusconi ?
Certains de ses ministres, en fait, ont refusé de démissionner évoquant le sens de « responsabilité nationale », ouvrant une scission au sein du PDL. Lorsque mercredi au Sénat, Berlusconi a noté que le nombre de « dissidents » avait grandi, avec une soudaine volte-face, il a finalement voté la confiance au président Letta, déconcertant les siens, qui, encore quelques heures avant, répétaient à des journalistes que jamais ils ne continueraient à soutenir l’exécutif, « le gouvernement des impôts ».
Nombreux sont les commentateurs à parler de la fin politique de Berlusconi. En fait le spectacle a eu lieu au Parlement, le chef ressuscité de « Forza Italia » (Berlusconi a récemment relancé son parti sous ce nom, crée en 1994 et dissous en 2009 au sein du « Peuple de la Liberté ») a joué encore une fois la partie de « Sauveur de la République », qui, pour le bien du pays, accepte le compromis pour gouverner avec le Parti Démocrate.
D’autre part, Enrico Letta a obtenu la confiance, mais sans doute aurait-il préféré l’obtenir sans les voix de Berlusconi, afin de se débarrasser de ses chantages et ses menaces. Bien sûr, Berlusconi est affaibli parce que certains de ses députés sont sortis de Forza Italia pour fonder un groupe indépendant, mais sa capacité à renaître de ses cendres n’a pas d’égal en Italie, car il peut compter sur un électorat fidèle.
Pourquoi Berlusconi n’est pas fini
De nombreux Italiens le trouvent en réalité rassurant. Contrairement aux dirigeants du Parti Démocrate, il a du charisme et il joue le rôle de l’entrepreneur qui est arrivé seul et avec ses sociétés et a donné du travail à des milliers de personnes. Il plaît également parce que pour beaucoup d’Italiens, le « jardin privé » a plus de valeur que la question publique, et parce que beaucoup partagent ses attaques contre le pouvoir judiciaire « politisé ».
Il faut dire également que depuis 20 ans, la gauche n’a pas été en mesure de montrer une véritable opposition ou de proposer un programme politique convaincant. Il plaît enfin, parce qu’il parle d’une manière claire et simple. Ses invectives contre les communistes semblent sorties d’une époque post-rurale, où les gens avaient besoin de messages simples. Berlusconi ne dramatise pas la crise, promet des amnisties fiscales et des emplois qu’il ne parvient pas à créer par la suite, il a un faible pour les femmes, provoque des fous-rires avec ses blagues. Tout cela fait de lui un leader atypique comme il en existe nul autre dans la vie politique italienne.
Serena Grassia