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08H28 - dimanche 18 août 2019

Soudan : militaires et contestation signent un accord historique vers un pouvoir civil

 

Un meneur de la contestation soudanaise Ahmad el-Rabie (D), fait le V de la victoire à côté du général Abdel Fattah al-Burhane, à la tête du Conseil militaire (C) et de son numéro 2, Mohammed Hamdan Daglo (G), lors d’une cérémonie de signature d’un accord de transition, à Khartoum, le 17 août 2019 – AFP / Ebrahim HAMID

 

Les militaires au pouvoir et les meneurs de la contestation ont signé samedi un accord historique qui ouvre la voie à un transfert du pouvoir aux civils au Soudan, dont la population espère qu’il lui apportera davantage de liberté et une vie meilleure.

L’accord a été signé par Mohammed Hamdan Daglo, N.2 du Conseil militaire, et Ahmed Al-Rabie, représentant de l’Alliance pour la Liberté et le Changement (ALC), fer de lance de la contestation, en présence de chefs d’Etats, de Premiers ministres et d’autres dignitaires étrangers. La signature des documents définissant les 39 mois de transition à venir a eu lieu lors d’une cérémonie à Khartoum, sur les rives du Nil. Elle a été accueillie par des applaudissements nourris, a constaté un journaliste de l’AFP. La cérémonie a débuté au son de l’hymne soudanais, suivi de la lecture de versets du Coran et d’un verset de l’Ancien testament. Des banderoles dans la salle indiquaient: « la joie du Soudan ».

A présent, la composition du Conseil souverain chargé de mener la transition –11 membres (six civils et cinq militaires)– doit suivre dimanche, et celle du gouvernement le 28 août.

 

Transition historique

« Aujourd’hui, le pays entame sa transition historique vers la démocratie », avait titré le journal Al-Tayar, d’autres quotidiens partageant cet enthousiasme.

Si le chemin vers la démocratie risque d’être encore long, l’humeur est ainsi à la célébration dans la capitale, où ont afflué par milliers dignitaires étrangers et Soudanais.

L’accord conclu début août a mis fin à près de huit mois d’un mouvement de contestation inédit qui a mené le 11 avril à la chute du président Omar el-Béchir, resté 30 ans au pouvoir, avant de se retourner contre le Conseil militaire de transition ayant pris sa succession. Conclu à la faveur d’une médiation de l’Ethiopie et de l’Union africaine, cet accord a été accueilli avec soulagement des deux côtés, les manifestants célébrant la victoire de leur « révolution » et les généraux s’attribuant le mérite d’avoir évité une guerre civile.

Venus d’Atbara (centre), où ont eu lieu les premiers rassemblements contre la décision du gouvernement de tripler le prix du pain en décembre, des Soudanais sont arrivés dans une ambiance festive à Khartoum samedi.

« Pouvoir civil », ont-il scandé avant leur départ selon des vidéos sur les réseaux sociaux, promettant de venger les quelque 250 personnes qui ont péri dans la répression des manifestations, selon des médecins.

Après la désignation des membres du conseil souverain, la nouvelle instance devra confirmer mardi le nom du Premier ministre: Abdallah Hamdok, un ex-économiste de l’ONU, a été choisi dès jeudi par la contestation. S’il est confirmé, M. Hamdok aura la lourde tâche de relever l’économie du pays, qui s’est écroulée après que la sécession du sud en 2011 l’a privée des trois quarts de ses réserves de pétrole.

Inflation et pénuries ont à ce titre été des moteurs de la contestation.

 

Je commence à respirer

Au marché central de Khartoum, marchands et clients espèrent qu’un gouvernement civil les aidera à nourrir leur famille.

Les dates clés de la crise politique au Soudan
AFP /

 

« Nous vivions sous le contrôle des militaires depuis 30 ans, mais aujourd’hui, nous laissons tout ça derrière nous », se réjouit Ali Youssef, un étudiant de 19 ans qui travaille sur le marché et espère que les prix des légumes baisseront.

Si la plupart attendent de voir les changements qu’apportera la transition dans leur vie quotidienne, certains profitent déjà d’un changement immatériel: la liberté d’expression. « J’ai 72 ans et pendant 30 ans sous Béchir, je ne pouvais me réjouir de quoi que ce soit. Aujourd’hui, dieu merci, je commence à respirer », affirme Ali Issa Abdel Momen, agenouillé devant sa modeste sélection de légumes. Mais beaucoup de Soudanais et d’observateurs doutent encore de la capacité des institutions de transition à limiter le pouvoir de l’élite militaire. Si ceux-ci sont minoritaires au sein du Conseil souverain, il sera d’abord dirigé par un général pendant 21 mois. Et les généraux choisiront les ministres de l’Intérieur et de la Défense.

L’une des premières conséquences de l’accord devrait être la levée de la suspension du Soudan de l’UA, décidée en juin.

Des dignitaires africains ont assisté à la cérémonie, comme le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, figure de la médiation, et le président de la commission de l’UA, Moussa Faki. Ce dernier a qualifié la signature de l’accord de « réussite historique (…) de la volonté nationale ». Le chef de l’opposition soudanaise, Sadek al-Mahdi a lui parlé d’une « journée de transition vers un pouvoir civil qui aboutira à la paix et au changement démocratique par le biais d’élections libres », appelant à n’exclure personne. Les ministres d’Etat saoudien et émirati des Affaires étrangères, Adel Al-Jubeir et Anwar Gargash, et le Premier ministre égyptien Moustafa Madbouli étaient aussi présents. Le général Mohammed Ali Ibrahim, membre du Conseil militaire, a dit vendredi que la signature rouvrirait « la porte aux relations internationales du Soudan ».

Des forces de sécurité avaient été déployées dans la ville pour ce qui s’annonçait comme le plus gros événement international tenu depuis des années au Soudan, marginalisé sous le régime Béchir.

Le jour de la signature devait être celui de l’ouverture du procès de l’ex-président Béchir, inculpé pour corruption, mais elle a été repoussée sine die.

Vendredi, Amnesty International a averti contre la possibilité pour M. Béchir d’échapper à un procès devant la Cour pénale internationale, qui a émis contre lui deux mandats d’arrêt notamment pour « génocide » au Darfour.

 

Abdelmoneim ABU IDRIS ALI et Jean-Marc MOJON

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