Edito
05H55 - samedi 14 mars 2020

Coronavirus : Monsieur le Président, dites-nous (toute) la vérité ! L’édito de Michel Taube

 

Alors que le Président de la République préparait son allocution télévisée, une trentaine de correspondants de la presse française, basés en Italie, publiaient une tribune pour s’étonner du décalage « spectaculaire » entre la situation dont ils sont les témoins de l’autre côté des Alpes et ce que d’aucuns qualifieraient d’un jmenfoutisme français. Destinée aux « autorités françaises et européennes » (comme quoi, il n’y pas que nous !), cette tribune dénonce le manque de préparation de l’opinion à un scénario admis par « l’énorme majorité des experts scientifiques » : le virus va se propager comme un feu de broussaille, et la seule manière de la ralentir est de prendre des mesures au moins aussi radicales que celles parfaitement acceptées au pays de la Dolce Vita. Et en Chine il y a déjà presque deux mois.

Sauf qu’en France, pays qui a connu plusieurs scandales sanitaires (amiante, vache folle…) comme le rappelait encore hier notre excellent ministre de la Santé et des Solidarités, Olivier Véran, au micro d’Europe1, la majorité de la population, auquel on a si longtemps expliqué que le Covid19 était une grippette, voir une grippounette, continue à se serrer la main et à se faire la bise. Il est heureux que les Français ne paniquent pas. Les Italiens non plus !

Parallèlement, certains décrivent avec une méprisante condescendance le système hospitalier italien, pourtant l’un des meilleurs d’Europe, en particulier dans le nord de l’Italie, une des régions les riches et les plus développées du continent. Mais nos hôpitaux, que l’on disait pourtant au bord du collapse, sont bien entendu infiniment plus performants !

Dans les heures ayant précédé l’intervention d’Emmanuel Macron, des rumeurs alarmistes commençaient à se répandre. Le Président aurait été informé de données médicales nouvelles, justifiant l’ajournement des élections municipales, voire des mesures plus radicales encore, comme l’état d’urgence. Le très sérieux JDD envisageait même le recours aux pleins pouvoirs présidentiels, sur le fondement de l’article 16 de la Constitution. Comme si la France était en guerre ou menacée par un péril existentiel. Nous avons écrit hier ce que nous en pensions !

Finalement, Emmanuel Macron n’annonça que deux mesures concrètes : la fermeture des écoles et un soutien vigoureux à l’économie. Néanmoins, une phrase peu commentée laisse perplexe. Le chef de l’État a indiqué que l’évolution du coronavirus se ferait en deux phases : dans la première, celle dans laquelle nous venons d’entrer, la grande majorité des victimes seraient des personnes âgées et fragiles, notamment atteintes de maladies telles que le cancer, le diabète ou l’obésité. Dans la seconde phase, tout le monde serait concerné. Emmanuel Macron a parlé « d’une possible deuxième vague qui touchera un peu plus tard, en nombre beaucoup plus réduit, des personnes plus jeunes, a priori moins exposées à la maladie, mais qu’il faudra soigner également. »

Cette information, glissée presque subrepticement entre deux félicitations appuyées à notre personnel soignant, aurait pourtant dû faire l’effet d’un scoop. Personne, pas même dans le corps médical, ne s’était jusqu’alors écarté de la doctrine universelle : le Covid19 demeure une grippette, sauf pour les octogénaires et certains malades fragilisés par leur pathologie. Peu rassurant pour nos anciens, mais finalement de nature à rendre la pandémie acceptable, notamment dans les sociétés (et économies) occidentales. Ici, quand le navire sombre, c’est les femmes et les enfants d’abord.

Le lendemain, c’est-à-dire hier, les quelques rares commentaires sur la petite phrase présidentielle se voulaient également rassurants. En gros, c’est normal : les fragiles trinquent en priorité, les autres après ! Quels autres ? Lorsqu’il y a un mois, un médecin de Hong Kong estimait que 60 % de la population mondiale pourrait être infectée par le Covid19, tout le monde lui raillait au nez. Aujourd’hui, on craint que cela puisse être pire. Avec un taux de mortalité qui, selon les estimations, oscille entre 0,5 et 2,5 % (la fourchette est immense), faites le calcul !

Les propos d’Emmanuel Macron seraient-il la conséquence des informations alarmistes qui lui auraient été communiquées ? En valeur absolue, une augmentation globale de la mortalité, ce qui est inévitable, touchera nécessairement plus de personnes de tous âges. Mais était-ce le sens de la parole présidentielle ?

La vérité serait-elle que le virus est en train de muter ? Ou qu’il a déjà muté ? C’est ce que pensent beaucoup d’Italiens ! A Bergame et Cesena plus particulièrement.

Une mutation virale est banale. Le virus de la grippe ne cesse de muter, raison pour laquelle le vaccin doit chaque année être mis jour. Mais une mutation peut aussi changer considérablement l’agressivité du virus, dans un sens ou un autre. Alors qu’un premier vaccin contre le coronavirus est encore loin d’être trouvé, une mutation précoce du nouvel ennemi public de l’humanité pourrait être un désastre sanitaire, humanitaire et économique. Finalement, la Chine, d’où la bestiole et originaire, n’aurait subi que les assauts de bébé Corona, seulement capable d’attaquer les plus fragiles. À nous de subir les assauts de papa et maman, autrement plus puissants, méchants et déterminés ?

Monsieur le Président, vous qui avez fait vœu de vérité et de sincérité, vous qui avez obtenu le soutien quasi inconditionnel de la classe politique, vous qui vous référez prioritairement à la science, nous comptons sur vous pour nous dire les choses.

Les Français – vous l’avez rappelé jeudi soir, comme nos amis Italiens, sont formidables ! Nous saurons redoubler d’efforts et de prudence si la situation l’exige. Le tout est de le savoir !

 

Michel Taube

Directeur de la publication