Les chefs
Depuis presque 50 ans, la famille Meilleur fait rayonner La Bouitte. Une adresse perchée en haut des montagnes qui retombe en cascade gastronomique sur la vallée. Le restaurant est parmi les triplement étoilés les plus discrets de l’Hexagone. Pourtant, la cuisine de René a commencé à s’épanouir en 1976, au cœur du domaine skiable des Trois Vallées, dans un chalet savoyard construit de ses mains. Il y sert quelques années des fondues avec Marie-Louise en salle qui accueille les skieurs affamés. Mais un repas chez Paul Bocuse transforme leur vision de la cuisine. Livres de recettes épluchées, déco changée et service revu, les Meilleur modifient la direction de leur barque, jusqu’à parvenir à trois étoiles en 2015. Un exploit pour cet autodidacte ! Entre-temps, Maxime, le fiston, a rejoint ses parents. Talentueux, travailleur, il offre un nouvel élan à cette belle maison, tout comme sa sœur, Sophie, qui a également rejoint l’affaire pour se consacrer à la partie hôtellerie, car ici, tout le monde met son cœur à l’œuvre et à l’ouvrage pour sublimer la Savoie.
« Père et fils ont fusionné leurs dons pour arriver à une synchronisation de gestes unique en son genre, d’une précision d’orfèvre à la manière d’artisans d’art, et incarner finalement le meilleur de la Savoie » précise-t-on à la communication. Derrière les mots, une réalité empreinte de gentillesse, d’écoute, de créativité et un véritable esprit de famille prédominent.
Car René Meilleur ne se contente pas de jouer les seconds couteaux, mais garde les deux mains dans le cambouis et l’œil ouvert : pour cet homme enjoué, la Bouitte reste l’œuvre de sa vie, qu’il peaufine pour que les générations se succèdent dans ce lieu enchanté.
Petit à petit, le refuge s’est donc transformé en une halte très prisée de quiétude et de gourmandise, qui a, de plus, investi dans un magnifique spa, avec un petit lac privé, pour construire un écrin de bien-être apaisant au milieu de l’or blanc des montagnes. Un moment de détente avant de s’attabler devant un dîner aux mille saveurs, sublimé par des producteurs qui apportent tout leur savoir-faire à cette table époustouflante. On y retrouvera les féras et les perches du lac Léman, des variétés anciennes de carottes ou de sublimes chanterelles, du bœuf de Tarentaise et les produits de la chasse, des fromages confidentiels ou encore des herbes fraiches et des plantes sauvages cueillies sur les flancs des collines comme l’ail des ours, la gentiane ou les myrtilles.
Alors seulement le miracle peut se produire : René et Maxime peuvent faire bouillonner leurs idées les plus folles, faire chauffer les casseroles et crépiter le beurre dans la poêle pour que chaque plat devienne poésie, chaque recette nous emmène dans une histoire enneigée, chaque geste rapproche un peu plus du bonheur.
Le mot du chef
Voici un dessert régressif, un voyage irrésistible de retour à l’enfance. Une Madeleine de Proust version La Bouitte. Difficile d’imaginer qu’un aliment aussi courant puisse être à ce point transcendé, pour devenir un des sommets de la gastronomie et du raffinement.
Dans les différents hameaux autour de Saint Martin de Belleville, plusieurs agriculteurs perpétuent un savoir-faire ancestral, occasion de redécouvrir le goût singulier des laits de vache, de brebis et de chèvre vivant en altitude.
De la conception du beurre, au plat emblématique des Crozets jusqu’aux soins au Spa (bain de Marie au lait et au miel de Saint Marcel), le lait fait partie de l’identité de La Bouitte. Mais c’est dans ce dessert signature, qu’il prend toute sa dimension. On plonge dans une symphonie de lait aérienne, entre le lait de vache entier et demi-écrémé, les yaourts de brebis et de chèvre, la poudre de lait au sein de la meringue, le beurre fermier, et — comble de la gourmandise — la confiture de lait (également de vache entier micro-filtré, pour plus de saveurs).
La genèse de cette création culinaire remonte au réveillon du 31 décembre 2010. Nous voulions terminer sur des tonalités de blanc immaculé, rappelant la neige enveloppant le chalet. Avec le dessein de créer un dessert emblématique des terroirs de Savoie, et de conclure ce grand repas par une note fraiche et subtile.
Ce plat est un jeu de 7 types de textures entre le croquant du biscuit et de la meringue, et l’onctuosité et la tendresse de la mousse et du sorbet. On le découvre par petites touches, avec une succession de sensations fugitives.
Ce coup d’essai fut un coup de maître. Tous les jours suivant ce fameux réveillon, les hôtes n’ont cessé de réclamer ce nouveau dessert, en ayant entendu parler par leurs proches. « Le Lait dans tous ses états » est devenu depuis un grand classique de La Bouitte, qui s’affine, se réinvente au fil des saisons, tout en gardant le même ADN. Il est probable qu’il ait contribué à la 3ème étoile Michelin en 2015.
Accord met – vin : « on a tout essayé », sourit Maxime. « Le génépi, le blanc sec ou demi-sec, les liquoreux… ». Et rien ne fonctionnait vraiment avec l’ovni tout au lait. Jusqu’à ce que notre équipe de sommellerie ne tente le rhum. Bingo : un Don Papa, d’origine philippine, pas trop vieux, accompagne ce dessert avec force et délicatesse.
La recette
Le lait dans tous ses états, meringue, confiture, sorbet, biscuits…
Pour 6 personnes
Biscuit vapeur :
40 g de blanc d’œuf, 15 g de sucre semoule, 25 g de yaourt de brebis, 15 g de farine.
Monter les blancs, les serrer avec le sucre. Ajouter le yaourt et la farine.
Pocher en demi-sphères puis cuire 10 à 15 min au four vapeur à 90 °C.
Tuile givrée :
100 g de yaourt de brebis, 55 g de lait de brebis, 55 g de sucre semoule.
Dans une casserole haute, faire bouillir tous les ingrédients, étaler sur feuille Silpat puis entreposer au congélateur 1 heure, détailler de la forme souhaitée.
Espuma :
200 g de lait de chèvre, 1 feuille de gélatine réhydratée, 45 g de sucre semoule, 200 g de crème fleurette.
Chauffer le lait, la crème et le sucre, incorporer la gélatine, chinoiser, remplir la cuve d’un siphon de 1 litre, gazéifier d’une cartouche, réserver au frais tête en bas.
Glace au lait :
250 cl de lait entier, 2 jaunes, 60 g de sucre.
Faire une crème anglaise, verser dans un bol Pacojet ou dans une sorbetière puis réserver au congélateur 24h à -24 °C.
Noisettes caramélisées (optionnel) :
100 g de noisettes, 100 g de sucre, 25 g d’eau.
Torréfier les noisettes au four à 150 °C pendant 10 min. Porter l’eau et le sucre à 115 °C, ajouter les noisettes, enrober de sucre et faire caraméliser à feu moyen en remuant. Refroidir sur Silpat.
Confiture de lait :
Cuire une boîte de lait concentré une heure au bain-marie.
Meringues suisses :
50 g de blancs, 100 g de sucre, 2,5 g lait poudre.
Au bain-marie monter les blancs et le sucre à 50 °C, puis refroidir au batteur avec le lait en poudre, coucher sur plaque puis dessécher au four à 70 °C pendant 3 heures.
Finition :
Nettoyer une assiette creuse ronde, mettre au centre un biscuit vapeur, parsemer Qs de noisettes caramelisées, quantité suffisante de brisures de meringues, mettre une quantité suffisante de glace au lait au milieu, recouvrir d’une boule d’Espuma pour donner du volume, superposer la tuile de yaourt de chèvre, terminer par 3 meringues et un point de confiture de lait.
Servir la confiture de lait dans une saucière et verser devant les convives.
Informations pratiques :
La Bouitte
3* Michelin, 17/20 Gault & Millau
Hameau de St Marcel, 73440Saint-Martin de Belleville
Tél. : +33479089677
https://www.la-bouitte.com/fr/
Deborah Rudetzki