Notre rubrique La France selon les chefs consiste à mettre en avant tous ces faiseurs de bonheur que sont les plus grands cuisiniers de notre pays. Ceux pour qui le voyage « vaut le détour » et qui savent émerveiller nos sens. Ils sont généralement encensés par les guides, notamment le Michelin et le Gault et Millau dont la sélection, bien que parfois critiquable, demeure la plus fiable et la plus transparente.
Cette année encore, pour découvrir, au Pavillon d’Armenonville, le palmarès du Gault & Millau, près de 500 convives étaient réunis le 29 novembre, parmi lesquels quasiment tous les plus grands chefs de France et de Navarre. En citer quelques-uns serait oublier tous les autres. On mentionnera seulement Hugo Roellinger, sacré Cuisinier de l’Année, une très belle distinction pour ce jeune homme de 33 ans, digne fils de son père, qui a pris la succession des cuisines du Coquillage à Cancale.
Contrairement au guide rouge, le jaune a pour ambition de dénicher de nouveaux talents et de les valoriser, ce qu’il réussit avec brio. Notamment par le biais de la Dotation Jeune Talent. L’auteur de ces lignes a d’ailleurs, à plusieurs reprises, aidé gracieusement des chefs qu’elle estimait prometteurs à l’obtenir (Jean-Baptiste Ascione, Sophie Reigner, Stéphane Pitré, Stéphane Browne, Indra Carillo…) et qui reçurent par la suite d’autres récompenses. Comme quoi, dans le microcosme de la gastronomie, les noms des grands d’aujourd’hui et de demain ne se comptent pas par milliers.
Les années passent, le Gault et Millau a été, comme tant d’autres, racheté, mais il poursuit sa mission. Son actuel propriétaire, le Russe Vlad Skvortsov, bien que cherchant encore un modèle économique viable, est sur une pente ascendante pour ce guide qui séduit les cuisiniers de tous poils toujours flattés, bien sûr, mais également le public qui se retrouve dans le palais exercé du « goûteur en chef », Marc Esquerré. Et une fois encore, le guide a fait mouche, avec cette cérémonie qui a récompensé jeunes et moins jeunes, parisiens et provinciaux avec le même enthousiasme.
Mais dans cette liesse qui fut aussi joyeuse, animée et plaisante que peut l’être l’entre-soi gourmand, impossible d’oublier que cette « France selon les chefs » reste éminemment masculine. Lorsque sur scène montent d’un seul élan toutes les 4 et 5 toques, les femmes disparaissent du paysage. Totalement. Entièrement. Pourquoi ? Le Gault & Millau, pas plus que le Michelin, ne peuvent être taxés de sexistes. Les cheffes méritantes sont primées, nul doute là-dessus.
Pourtant, entre les horaires de travail compliqués, les brigades dont le terme militaire en lui-même est déjà explicite, les gestes déplacés qui ont encore parfois cours dans les cuisines, les raisons sont multiples pour tenter d’expliquer leur absence. Ainsi, les femmes restent minoritaires dans ce métier, en particulier dans les plus hautes sphères de la gastronomie.
De même, force est de constater qu’elles sont assez peu présentes dans notre rubrique. Mea culpa. Alors, en attendant des jours où la cuisine s’écrira un peu plus au féminin, louons ces talents qui subliment nos terroirs et régalent nos papilles.
Nous vous laissons avec l’émotion d’Hugo Roellinger et de son illustre papa, Olivier.
Deborah Rudetzki
Palmarès Gault & Millau 2021
Les Grands de Demain 2022
– Cyril Boulais, Hôtel Restaurant La Marine 16,5/20, 3 toques (Barneville-Carteret)
– Camille Brouillard et Soufiane Assarrar, L’Huîtrier Pie, 15/20, 3 toques (Saint-
Émilion)
– Édouard Chouteau, La Laiterie 15/20, 3 toques (Lambersart)
– Angelo Ferrigno, Cibo, 15/20, 3 toques (Dijon)
– Florent Pietravalle, La Mirande, 16/20, 3 toques (Avignon)
– Georgiana Viou, Rouge — Margaret Hôtel Chouleur, 14/20, 2 toques (Nîmes)
Les Jeunes Talents 2022
– Julien Sebbag, Forest 12,5/20, 1 toque (Paris 16e)
– Sarah Mainguy, Vacarme 12,5/20, 1 toque (Nantes)
– Damien Laforce, Le Braque 13,5/20, 2 toques (Lille)
– Alessandra Montagne, Nosso 13/20, 2 toques (Paris 13e)
– Thomas Benady, L’Auberge Sauvage 14,5/20, 2 toques (Servon)