Michel Taube : vous êtes parmi les importants galeristes parisiens et européens qui n’exposent que de la photo. Pourquoi êtes-vous si peu nombreux ?
Gad Edery : le marché de la photographie a pris ses lettres de noblesse il y a peu de temps. C’est un art pourtant majeur mais qui a longtemps été relégué au second plan. Ce n’est que depuis un peu plus d’une vingtaine d’années que le marché de la photographie connait un réel engouement, tant en Europe qu’aux États-Unis.
C’est un marché de niche qui ne s’adressait qu’aux initiés et vrais amateurs. Le marché de l’art a corrigé cette inadéquation et les nouvelles générations ont adhéré à ce médium.
Les prix ont commencé à monter, lentement mais surement mais il n’y pas eu de « bulle spéculative ».
C’est un art qui demande une connaissance de l’histoire et du monde de la photographie.
Au prix des loyers des galeries, mieux vaut vendre un Picasso qu’une photo. Les galeristes spécialisés en photographie sont des passionnés, moi le premier !
Vous exposez actuellement le célèbre photographe américain Stephen Wilkes et notamment ses clichés saisissants sur Ellis Island. On a du mal à imaginer qu’un si haut lieu de l’histoire américaine ait été laissé en lambeaux, même si, grâce à l’œil de Wilkes, la lumière jaillit de ces ruines laissées par une certaine Amérique. La Statue de la Liberté y apparaît d’ailleurs sous un jour presque nouveau.
Stephen Wilkes fait partie des plus importants photographes contemporains américains. La série Ellis Island, sur laquelle il a travaillé de 1998 à 2003, l’a révélé aux yeux du grand public. Avec ce travail extraordinaire, Stephen Wilkes, explore la mémoire collective des Américains.
Ellis Island était, jusqu’en 1954, la porte d’entrée vers le Paradis pour tous ceux qui fuyaient leur pays d’origine, dans l’espoir d’une vie meilleure. Des millions de personnes sont passées par cet endroit.
Comme de nombreux bâtiments administratifs, une fois qu’ils ne sont plus utilisés, ils tombent dans l’oubli et se délabrent très rapidement.
Avant qu’il ne soit trop tard, Stephen Wilkes a voulu témoigner de cette Histoire. Le résultat est d’une beauté saisissante. Toutes les photos ont été prises à la lumière naturelle. Elle semble, littéralement, jaillir de l’œuvre. Le rendu est spectaculaire et est proche de la peinture. D’ailleurs de nombreux visiteurs de l’exposition pensent qu’il s’agit de tableaux !
Si je vous dis : « la photo est l’art du vrai et le cinéma l’art du faux », que me répondez-vous ?
L’une est une image mobile, l’autre une image statique. Néanmoins, les deux racontent une histoire. Les deux témoignent d’une certaine réalité : celle du réalisateur et celle du photographe.
Il n’y a pas de raison de les opposer, d’autant que beaucoup de réalisateurs sont, à la base, photographes !
Nous avons été surpris par la lumière qui jaillit de photographies d’édifices religieux en Italie du jeune photographe Alessandro Piredda, pourtant si noires et obscures de prime abord. Comment procède l’artiste ?
Alessandro Piredda est un jeune photographe italien. Il photographie les monuments de nuit et révèle leur beauté. Les prises de vues sont faites à des heures indues, avec des poses très longues. Si cela suffisait, tout le monde pourrait en faire autant. La recette serait enfantine. Avec trois œufs, un peu de farine et du beurre, tout le monde ne devient pas Gaston Lenôtre ! C’est pareil avec la photo, en plus du travail il faut du talent.
Les NFT (Non Fungible Token) sont un nouveau marché, un eldorado pour certains, dans l’art contemporain. Quel regard portez-vous sur ce nouveau monde ?
Le NFT est un contrat qui permet de certifier l’authenticité d’un bien numérique. C’est un nouveau venu sur le marché de l’art. Il entraine avec lui un nouveau type d’acheteurs qui ne se seraient, peut-être, jamais intéressés à l’art sans ce nouvel outil.
C’est une façon de donner davantage de visibilité aux photographes que je représente, de démocratiser l’accès à l’art et d’avoir de nouveaux clients.
Propos recueillis par Michel Taube
Gad EDERY | Galerie GADCOLLECTION – Paris
La galerie GADCOLLECTION est une des principales galeries européennes spécialisées en photographie. Elle a été créée en 2008 par Gad EDERY.
Exposition actuelle (jusqu’au 21 juillet 2022) : Guillaume CANNAT : la tête dans les Étoiles, Monsieur astronomie du journal Le Monde
https://www.gadcollection.com/fr/blog/p-catalogue-guillaume-cannat-la-tete-dans-les-nuages-june-8-july-21-2022-