Depuis sa création, le « Parcours Saint-Germain » a pour mission de réunir les habitants usagers et enseignes du célèbre quartier autour d’un évènement culturel contribuant au rayonnement de l’art contemporain. Chaque année, le Parcours créé une promenade à travers une vingtaine de lieux choisis, faisant participer le patrimoine historique de Saint-Germain-des-Prés en invitant des artistes à s’exprimer dans les lieux partenaires.
Pour son vingtième anniversaire, le Parcours Saint Germain présente un ouvrage retraçant les éditions de l’événement depuis sa création en 2000.
Rencontre d’Anne Bassi, chroniqueuse Opinion Internationale, fondatrice de Sachinka, et de Michel Taube avec Anne-Pierre d’Albis-Ganem, fondatrice du Parcours Saint-Germain.
Anne Bassi et Michel Taube : Pourquoi avez-vous créé le Parcours Saint-Germain ?
Anne-Pierre d’Albis-Ganem : le Parcours Saint-Germain est né d’une prise de conscience, juste après l’inauguration de la boutique Armani installée dans un tollé général à la place du Drugstore Publicis. Dans la presse, on lisait que le quartier perdait son âme, se vendait aux marchands du temple.
Le Parcours est né avec comme objectif premier de valoriser le quartier, de s’ancrer dans son histoire, son patrimoine, et d’exposer dans des lieux inédits et cachés, les places, squares, cafés mythiques, églises, cours, hôtels particuliers…en intégrant les nouveaux arrivés.
Il a réuni dès le début des maisons prestigieuses : LVMH avec ses quatre importantes maisons (Christian Dior, Céline, Kenzo et Christian Lacroix), Cartier présent depuis longtemps, puis Armani tout juste arrivé. Et puis nous ont rejoints Sonia Rykiel, le Café de Flore, les Deux Magots et les lieux du patrimoine.
Saint-Germain des Prés est un quartier historique de Paris. Comment avez-vous réussi à concilier l’art contemporain et ses formes souvent futuristes, dans ce haut lieu d’histoire de Paris ?
Les premières éditions du Parcours ont été l’occasion de tenter de “renouer’ le grand public avec l’art contemporain. Nous avons approché les lieux un par un, en commençant par l’école des Beaux-Arts, avec Alfred Pacquement qui était alors son directeur et membre fondateur du Parcours, puis nous avons produit d’importants projets dans la cour vitrée de l’École ou dans sa Chapelle. Nous sommes aussi allés voir le curé de l’église St Sulpice très ouvert à l’idée d’exposer un artiste en résonance avec le lieu. Le Maire du VIème nous a ouvert ses portes, donné accès au toit de la Maire pour y produire un flash lumineux nocturne avec Laurent Grasso. Nous avons contacté les Parcs et Jardins, travaillé dans le respect du patrimoine, en faisant attention aux arbres, aux places. Le lampadaire de la Place Furstenberg est fragile, les arbres aussi.
Du temps, de la patience, de la détermination et surtout du respect, tel est notre secret. L’approche pour les lieux historiques a été de trouver un artiste qui avait le désir de concevoir et de produire un projet pour le lieu, pour et en résonance avec son histoire. L’écho des projets auprès du grand public était formidablement intéressant et inattendu.
Quelle place tient le Parcours Saint-Germain dans le marché mondial de l’art contemporain ?
Le Parcours tient une place privilégiée à Paris, il est justement très spécifique à l’atmosphère de Paris et plus précisément à l’ambiance du quartier de saint Germain-des-Prés qui a toujours tenu une place importante dans l’art et l’avant-gardisme sous toutes ses formes. C’est cet esprit local qui a permis au Parcours de rayonner à l’international. Le Parcours n’a jamais été un projet commercial, ce n’est pas une foire d’art mais un modèle d’exposition alternatif avec des artistes sélectionnés avec l’aide d’un comité artistique issu du monde Institutionnel. La plupart des artistes exposés ont eu des carrières à l’international par la suite, le Parcours a contribué à les faire connaître en France et à l’étranger.
Quels sont les lieux emblématiques et les rendez-vous phares annoncés pour cette édition 2022 ?
2022, c’est d’abord la sortie du livre qui sacralise vingt années d’engagement envers l’art et les artistes à une époque où l’art contemporain n’était pas aussi célèbre qu’aujourd’hui dans sa relation avec la mode. C’est l’heure pour le parcours de se réinventer tout en publiant le socle solide sur lequel il est exposé. D’ailleurs une exposition regroupant les artistes emblématiques du Parcours fera suite à cet ouvrage pour célébrer nos vingt ans… Au-delà de l’éphémère d’un événement, je veux ancrer l’énergie passée pour redéfinir son avenir.
Le groupe LVMH et plus particulièrement Jean-Paul Claverie sont à vos côtés depuis la première heure. Pourquoi cet engagement réciproque ?
Le Parcours s’est engagé à pérenniser culturellement le quartier et les boutiques de luxe appartenant au groupe LVMH. C’est une alliance qui trouve son succès dans l’échange et la fidélité de ce partenariat. En tant que représentant du groupe pour l’action et le mécénat, Jean-Paul Claverie a toujours été présent. Sans lui le Parcours n’aurait pu voir le jour car il a convaincu les autres maisons de participer à ce projet inédit, afin de sauver la vie culturelle du quartier.
Le Parcours Saint-Germain s’exporte-t-il à l’étranger ? L’Institut français en était par exemple partenaire pendant dix ans.
En 2006, j’ai eu l’idée de travailler sur un thème peu exploité dans l’art, celui du parfum. En partenariat avec la manufacture de Sèvres, Lalique, Delacroix, Bernardaud à Limoges et Faenza en Italie, nous avons invité des artistes à créer un flacon qui allait interpréter le parfum que chacun d’entre eux avait réalisé avec un parfumeur. Intitulée ‘Essences Insensées’ et inaugurée par le Ministre de la Culture, l’exposition qui s’est tenue dans la Chapelle de l’Ecole des Beaux-Arts a fait le tour du monde pendant dix ans avec l’Institut Français : Bangkok, Singapour, Mexico City, Prague…
Puis en 2009, coïncidant avec l’arrivée d’artistes émergents de la scène internationale, le Parcours a créé un partenariat avec Sandra Hegedüs, fondatrice de Sam Art Projects. Élaine Tedesco venait du Brésil et a réalisé un grand projet Place Saint-Germain. Plus récemment en 2019 le district et la ville de Chengdu en Chine a invité tous les artistes du Parcours.
L’esprit de quartier typiquement parisien du parcours s’exporte très bien et les différentes manifestations du Parcours dans le monde ont toujours été des grands succès. Malheureusement les années Covid ont mis un frein à cette énergie mais des projets à l’étranger encore confidentiels sont engagés.
Dites-nous un secret : comment se fait l’harmonie entre les boutiques des grandes marques et les habitants de Saint-Germain des Prés ?
Il n’y a pas de secret en fait : les grandes marques font partie du paysage de Saint-Germain-des-Prés depuis plus de vingt ans maintenant et la population du quartier pour la plupart a même oublié les acteurs et les erreurs du passé. Ce ne serait pas très moderne et encore moins contemporain de penser à ce quartier qui devrait rester figé dans la France d’après-guerre. Juliette Greco la première n’aimerait pas ça.
Crise Covid, guerre en Ukraine, l’art contemporain doit-il jouer un rôle dans le destin de ce monde ?
L’art contemporain joue le rôle de l’art depuis toujours, celui de nous permettre d’échapper à cette réalité si triste et angoissante.
Quand se tiendra la prochaine édition du Parcours Saint-Germain ?
Le parcours se consacre en ce moment à inscrire dans le présent son passé. Avoir vingt ans, c’est être libre et insouciant. Permettez au Parcours d’avoir vingt ans en toute légèreté et de me laisser le temps de réfléchir à sa prochaine édition.
Propos recueillis par Anne Bassi et Michel Taube
Pour se procurer le livre « Le parcours Saint-Germain » : http://www.parcoursaintgermain.com/le-livre/
Biographie d’Anne-Pierre d’Albis-Ganem
Après un D.E.A en histoire de l’art contemporain, Anne-Pierre d’Albis-Ganem travaille au département design et architecture du Centre Georges Pompidou de 1990 à 1996 chargée de réalisation des grandes expositions rétrospectives des designers Ettore Sottsass et Gaetano Pesce. Consultante indépendante du Paul Getty Museum de Los Angeles, elle organise de 1996 à 1998 le premier colloque international sur « la condition de l’artiste dans le monde » en partenariat avec l’U.N.E.S.C.O. Elle est ensuite consultante en art contemporain pour la société Giorgio Armani France, et programme une série d’expositions d’artistes à la boutique Emporio Armani, boulevard Saint-Germain en 1999.
Sous l’égide du Comité Saint-Germain et avec le soutien du groupe LVMH et de Jean-Paul Claverie, elle fonde en l’an 2000 le Parcours Saint-Germain-des-Prés. En 2015, elle fonde THE CLUB/PARCOURS qui réunit collectionneurs, mécènes et intellectuels pour lesquels elle organise des visites d’ateliers d’artistes, conférences, voyages, rencontres avec des écrivains, directeurs de musées et philosophes prestigieux.
Le regard d’un galeriste photos, Gad Edery, sur le Parcours Saint-Germain
L’histoire du Parcours Saint-Germain est remarquable à plusieurs égards. Tout d’abord par son audace, sa pluralité et enfin sa longévité. Arriver à fédérer des galeristes d’horizons différents n’est pas chose facile. La diversité et l’éclectisme des œuvres présentées, toujours de grandes qualités, permet aux promeneurs de voyager d’un monde à l’autre dans un périmètre restreint. Enfin, réussir à maintenir un tel parcours en se réinventant, mérite d’être salué. J’ai toujours regardé attentivement les propositions du Parcours sur la photographie. De la photographie classique à la photographie plasticienne en passant par la photographie conceptuelle, tous les styles sont représentés. Et à chaque fois, avec talent. Bravo aux organisateurs !
Retrouvez l’entretien avec Gad Edery à la une d’Opinion Internationale :
Gad EDERY | Galerie GADCOLLECTION – Paris. Exposition actuelle : Stephen Wilkes : Ellis Island | Land of Hope and Dreams – www.gadcollection.com